|
This Year's Model est le second album d'Elvis Costello. Et je l'aime autant que j'ai pu détester le premier, My Aim Is True, leur seul point commun étant la production de Nick Lowe. Costello est un personnage d'une seule pièce et dont les fixations ne sont en rien séduisantes. Il y a chez lui un côté chétif et tuberculeux renforcé en quantité par sa musique, irrespirable, univers sentant fortement le renfermé. Situer sa musique en quelques lignes reste beaucoup plus facile que d'en écouter trois morceaux. Si son allure rappelle un brin Buddy Holly, leur proximité est plus évidente lorsque nos deux cornichons nagent dans leur vinaigre. Costello est comme le fut Holly, en avance Sur la sensibilité de son époque. Sa voix évoque sans cesse celle de Graham Parker tout en chaussant 3 pointures en dessous. La musique est une friture pop-rhythm'n'blues avec des arêtes dylaniennes, mais le personnage est d'une dimension unique.
Comparé au premier album, celui-ci est l'oeuvre d'un groupe. The Attractions, alors que My Aim... avait été enregistré avec Clover, yankees exilés en Angleterre dont les motivations étaient minimes. Les Attractions sont une force qui, comme celle de la Rumeur est l'écho scrupuleux du galop débridé de leur driver. Le bassiste Bruce Thomas est un ancien membre de Quiver et du Moonrider de Keith West, tandis que Steve Naive, l'organiste sort du Royal College of Music et n'a jamais écouté un disque de rock ce qui ne l'empêche pas de sonner comme Manzarek ou Garth Hudson du Band.
"No Action" comme toutes les chansons d'amour de Costello, est d'une cruauté, d'une corrosion incroyable. Tout est excessif chez Costello et ses conflits sont purulents et malsains. Mais il y a tant de charmes... "The Beat" souffle un lyrisme en tornade. "Pump It Up" est à mon avis ce qui se rapproche le plus du Dylan de Highway 61, l'orgue en étincelles de silex. "You Belong To Me" est une autre phosphorescence dylanienne et le titre en dit déjà long. Quant à "Watching The Detectives" c'est un reggae fracturé dont les attelles sont ces superbes accords de guitare, laconiques et dramatiques. La seconde face est moins forte mais "Chelsea" vous envoie un glaive dans le coeur. Le dithyrambe est superflu. Sur "Lipstick Vogue," Costello dit "Il y a même des moments où je me sens presque un être humain." Comme le Dylan de "Positively 4th Street," Costello crache du soufre. Je ne sais quoi dire, je ne sais même pas si j'aime ce personnage maladif, je sais que la musique de This Year's Model est prodigieuse et que ce tordu de Costello a mis le doigt sur la carotide de notre époque et que cela bat très fort.
|
