Geneva Temps, September 27, 2003

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Elvis Costello: «Mon disque a autant à voir avec le XIXe siècle qu'avec le XXe»

Ex-punk taraudé par le jazz et le classique, le songwriter publie un recueil de mélodies soignées orchestré comme une comédie musicale, alliant à son timbre de crooner de somptueux arrangements symphoniques.
Interview.

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Nicolas Julliard

Elvis en frac. Sous la jaquette canari de Deutsche Grammophon, label étalon du disque classique, Elvis Costello renaît en compositeur accompli. Avec North, concerto pour cœur solitaire et orchestre, l'Anglais troque ses éternelles grosses montures contre d'élégantes longues-vues, rejoignant de son écriture altière les cimes mélodiques de ses modèles Burt Bacharach et Joni Mitchell. L'aboutissement superbe d'une initiation patiente aux arcanes de l'art orchestral, amorcée au sein d'une discothèque familiale de premier choix.

Fils d'un musicien de jazz et d'une disquaire érudite, Elvis Costello brûle sa jeunesse punk avec la certitude de revenir un jour à ses premiers émois musicaux, bercés des attentions câlines de Peggy Lee ou Sinatra. Fruit de cette décantation patiente, North allie à la science pop de l'autre Elvis de somptueux arrangements pour grand orchestre, fondant jazz vocal et comédie musicale en un élégant cycle d'airs éplorés.

Manière de Winterreise à l'usage du XXIe siècle, le disque relate à mots couverts le voyage émotionnel d'un homme blessé renaissant progressivement à l'amour. Livret autobiographique que sublime le timbre capiteux de Costello, crooner osé d'un présent composite. Confessions.

Elvis Costello: Toutes ces chansons me sont venues très vite. En tournée, après un concert, je me ruais au piano pour laisser jaillir ces airs qui me poursuivaient la journée, portés par une inspiration commune. D'ordinaire, lorsque je compose ainsi, je retravaille ensuite la chanson pour pouvoir la chanter dans un contexte plus rock. Là, j'ai voulu garder cette façon de chanter plus douce, plus directe, qui vient simplement du fait que la plupart de ces chansons ont été écrites de nuit, dans le silence.

Le Temps: Serti d'arrangements complexes, «North» joue-t-il sur la nostalgie d'un certain «âge d'or» du jazz vocal?

– Non, là n'est pas mon intention. Vous savez, cette écriture orchestrale est quelque chose qui m'est familier. C'est la musique que mes parents écoutaient, avant qu'adolescent je succombe aux charmes du rock'n'roll et de la pop des sixties-seventies. Mais je n'ai jamais eu l'intention de faire revivre telle ou telle période historique. Au niveau des mélodies comme des textes, ces chansons ne pourraient pas avoir été écrites à un autre moment. Car entre deux, il y a eu Bob Dylan ou Joni Mitchell, qui ont imposé une manière radicalement neuve de décrire ses émotions en chanson. Pour être tout à fait exact, ce disque a autant à voir avec le XIXe siècle qu'avec le XXe. En écoutant attentivement les Lieder de Schubert, j'ai tenté de comprendre comment une mélodie brève et simple pouvait avoir autant de force qu'une grande œuvre dramatique.

– Vos débuts punk paraissent désormais bien loin!

– Sans doute mais, en 1977, je ne rejetais pas la musique de mes parents. Mes premiers disques ont été faits dans l'urgence, mais, dès les années 1980, je me suis mis à composer au piano, et tout cela m'est revenu. Je suis d'ailleurs convaincu qu'à cette époque beaucoup de gens avaient une vision plus large que ce que l'on a bien voulu en dire. Beaucoup de musiciens avaient étudié un instrument, avaient fait des études supérieures, et n'étaient pas des petites frappes traînant dans la rue. En 1978, j'ai chanté le standard jazz «My Funny Valentine» sur une face B de 45 tours, tout simplement parce que j'aimais la chanson.

– Certaines de vos chansons comme «Almost Blue» sont devenues des standards de jazz. Avez-vous écrit «North» avec l'idée d'élargir ce répertoire particulier?

– Aujourd'hui, on critique volontiers les jazzmen qui reprennent des chansons pop, alors que c'est cela même qui garantit le renouvellement du répertoire. L'idée que les thèmes du jazz se limitent à la période 1930-1955 est une absurdité. Le problème, c'est que, quand le rock'n'roll est arrivé, il ne faisait pas usage d'harmonies complexes. A ce moment-là, le jazz s'est détourné de la pop. Mais il faut se souvenir que ce que l'on considère comme des standards de jazz étaient déjà à l'époque des chansons populaires. La plupart du temps, l'harmonie originelle de ces chansons était bien plus élémentaire que la version que l'on considère aujourd'hui comme «standard», qui est passée par le filtre de chanteurs ou de jazzmen dotés d'un sens de l'harmonie et du phrasé plus abouti. Dans mon écriture, c'est un peu ce qui s'est produit. Ce que vous entendez sur North, c'est une écriture fondamentalement pop, infléchie par ma connaissance des harmonies du jazz et des orchestrations classiques.

North, Deutsche Grammophon/Universal.

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Le Temps, September 27, 2003


Nicolas Julliard interviews Elvis following the release of North.


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