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L'"effet Patrimonio", c'est, par exemple, la vamp jazzy Melody Gardot prolongeant pour le plaisir son concert du 19 juillet dans les coulisses (quelques tentes dans un jardin derrière la scène) du festival des Nuits de la guitare, avec deux surdoués brésiliens — Hamilton de Holanda et Yamandu Costa — qui avaient fait sa première partie. A 6 heures du matin, les organisateurs ont gentiment demandé à la chanteuse de retrouver les bras de Morphée, car ils avaient une nouvelle soirée à préparer.
A quoi tient cette touche de magie ? Aux niellucciu et vermentinu, cépages locaux qui composent les vins de ce village viticole, situé au pied du Cap Corse ? Au cadre naturel du théâtre de verdure où se déroule l'événement ? Entouré de vignes entre mer, maquis et montagnes, le lieu s'abrite sous les frondaisons des platanes et des eucalyptus. Invité de la première édition des Nuits de la guitare, en 1990, Babik Reinhardt, le fils de Django, avait déclaré : "Si on n'est pas inspiré par un endroit pareil, on ne le sera jamais."
Créées par le maire de Patrimonio, Guy Maestracci, et Jean-Bernard Gilormini, dentiste niçois, désormais seul directeur du festival, Les Nuits ont régulièrement connu leurs moments de grâce avec Marcel Dadi, Larry Coryell, Al Di Meola, John McLaughlin, Jeff Beck, où la rituelle Nuit des Tsiganes qui clôture chaque édition.
D'abord uniquement voué aux as de la six cordes, Patrimonio s'est ouvert à une multitude de genres et d'instrumentation, en tâchant de ne pas perdre son âme. Au programme le 20 juillet, la Canadienne Diana Krall est une pianiste et chanteuse, et le Britannique Elvis Costello, un guitariste, certes, mais plus connu comme auteur-compositeur-interprète que pour ses talents d'instrumentiste. La valeur de l'affiche tient autant aux personnalités de chacun qu'au couple formé à la ville par cette vedette du jazz et cette figure du rock.
Pour la première fois depuis leur mariage, en 2003, ils tournent en famille. "Partir en tournée est habituellement un moment difficile, puisque nous nous éloignons l'un de l'autre et de nos garçons (des jumeaux de trois ans, Dexter et Frank)", confie Costello, quelques minutes avant le spectacle de sa femme. "Cette fois, nous voyageons tous ensemble. Le plaisir est autant de nous retrouver en famille que de se nourrir des concerts de l'un et de l'autre."
Leurs univers pourraient sembler inconciliables, mais Krall a construit son répertoire en s'appropriant un spectre de chansons touchant parfois à la pop et au rock. Ancien jeune homme en colère de la new wave de la fin des années 1970, Costello n'a cessé, ces vingt dernières années, d'élargir ses prétentions à une impressionnante variété de styles, incluant le jazz, la musique contemporaine. En 2004, celui qui invita un jour le trompettiste Chet Baker sur un de ses titres avait d'ailleurs cosigné un album de son épouse, "The Girl In The Other Room."
Le 8 juillet, au festival Jazz à Vienne, chacun avait donné son concert sans croiser l'autre. Même chose, il y a quelques jours à Montreux. Mais Patrimonio fait décidément de l'effet.
Plus star désormais que son mari, en terme de vente de disques et de popularité, Diana Krall a d'abord déçu, manquant de conviction vocale, sa virtuosité de pianiste éclipsée par celle de son guitariste, Anthony Wilson.
Malgré une voix qui s'étrangle longtemps avant de s'échauffer, Elvis Costello a démontré qu'on devrait se souvenir plus souvent des multiples pépites de son répertoire. Avec l'enthousiaste complicité des six musiciens qui ont donné la dominante acoustique et bluegrass de son dernier album Secret, Profane & Sugarcane, le Britannique a emballé en showman convivial au canotier blanc.
Parmi les moments forts de ce concert, deux reprises — "Wide River To Cross" de Buddy Miller et "Simple Twist Of Fate" de Bob Dylan — chantées pour la première fois en duo avec Diana Krall. Plus terrienne, sans afféterie jazz, Mme Costello a touché dans ces habits country.
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