Rock This Town, December 1983

From The Elvis Costello Wiki
Jump to navigationJump to search
... Bibliography ...
727677787980818283
848586878889909192
939495969798990001
020304050607080910
111213141516171819
202122232425 26 27 28


Rock This Town

Belgium publications

Newspapers

Magazines

Online publications


European publications

-

Elvis Costello se raconte


translate
   Nadine Milo

Scanning errors uncorrected...

Depuis ses débuts, il traînait une réputation de croque-mitaine qu'ont alimentée divers incidents comme l'émeute qui suivit son bref concert sans rappel à l'Ancienne Belgique le 16 juin 1978. Costello a-t-il changé du tout au tout ou sa mauvaise réputation était-elle grandement exagérée ?

Toujours est-il que quelques heures avant son concert du mois passé à la VUB, c'est un Elvis des plus coopératifs qui a accueilli Rock This Town en exclusivité pour la Belgique francophone. Détendu et volubile, il s'est penché avec nous sur son passé et nous a dévoilé ses projets tout en croquant des pommes vertes.


Qu'est-ce qui t'a d'abord séduit dans la musique ? Tu as commencé par chanter, jouer de la guitare, ou écrire des chansons ?

« J'ai commencé par chanter en accompagnant des disques, puis je me suis mis à la guitare pour pouvoir m'accompagner. Je n'ai jamais pris la guitare très au sérieux, jamais rêvé de devenir Eric Clapton, Dieu merci ! Dès que j'ai pu jouer quelques accords, je me suis mis à écrire des chansons. Elles étaient probablement épouvantables, mais les chansons m'ont toujours beaucoup plus attiré que la musique instrumentale ».

Tu as écrit tes premières chansons vers quel âge ?

« Quinze ans. Et j'ai commencé à me produire en solo à la même époque. J'ai fait partie d'un premier groupe vers dix-sept ans ».

Vous jouiez tes propres compositions ou egalement des reprises ?

« A mes débuts en solo je ne jouais que mes propres chansons. C'était sûrement exagérément ambitieux, mais je jugeais bon alors de ne pas trahir mes influences en reprenant des morceaux de mes chanteurs préférés, car le résultat aurait été une copie servile. Par après, j'ai fait des reprises avec des groupes, puis aussi en solo. C'est quand même la meilleure façon d'apprendre comment se construit un morceau et de progresser comme instrumentiste ».

Ces reprises étaient essentiellement américaines, j'imagine...

« A l'époque, oui. La musique américaine dominait alors l'Angleterre, si l'on excepte le glitter rock. Mais on ne peut pas jouer du Gary Glitter, du Sweet ou du Slade à la guitare acoustique ! Ça ne m'attirait pas, de toute façon. Sans doute étaitce ce douloureux besoin de sincérité de l'adolescence, mais je trouvais plus crédible, plus intègre, le côté confession de la musique américaine de l'époque ».

Quand as-tu enregistré la démo qui devait t'obtenir un contrat d'enregistrement avec Stiff ?

« J'ai envoyé quelques bandes aux firmes de disques quand j'avais vingt ans. Warner Brothers, entre autres, les a refusées. J'ai recommencé vers 21 ans, et fait quelques enregistrements pour Dave Robinson, qui allait devenir le patron de Stiff. J'ai enregistré une heure en solo dans son studio, des morceaux qui ont depuis refait surface sur des bootlegs. Mais j'étais très conscient du fait qu'il s'agissait d'un apprentissage. J'ai alors passé un an et demi à faire le tour des firmes de disques, tout à fait convaincu que mes compositions étaient suffisamment bonnes. En fait, au cours de cette tournée de prospection, j'ai considérablement modifié le répertoire que je proposais : j'ai mis l'accent sur certains morceaux, en ai laissé tomber d'autres, en ai gardé d'autres encore en réserve. Certains sont reparus par la suite en entier, pas simplement comme parties d'une autre chanson (ce qui arrive souvent, car je réécris pas mal de choses). « New Lace Sleeves » par exemple, qui figure sur Trust (1981) date de cette époque. Même après avoir été signé par Stiff, j'ai mis au rebut une bonne partie du répertoire sur la base duquel ils m'avaient signé et n'ai gardé que les morceaux les plus forts, les plus directs. J'ai écrit le reste du premier album en quelques semaines, ce qui lui a donné tout son mordant ».

En réécoutant ce premier album, My Aim is True, j'ai été frappée par le son très américain de ta voix. C'etait beaucoup moins flagrant à l'époque, mais cela apparaît retrospectivement parce que ta manière de chanter a changé depuis lors.

« Oui, j'ai fait marche arrière sur ce point-là. A l'époque, je ne me rendais pas compte que l'accent des chanteurs américains qui m'avaient influencé s'était glissé dans ma voix. Je n'aime d'ailleurs pas tellement le chant sur ce premier album : il sonne très maniéré. Mais peu de gens ont remarqué cet accent : je chantais de manière tellement agressive que tout l'album n'est qu'un long ricanement haineux dont l'accent americain est tout à fait accessoire. Ce n'était pas un album punk, mais cette agressivité lui a donné un son mode, si bien que personne ne s'est rendu compte qu'il y avait dessus beaucoup de pedal steel, à coup sûr l'instrument le moins cool à utiliser en 1977 !

Sur le deuxième album, le premier avec les Attractions, nos influences Mersey Beat ont commencé à se faire sentir. Nous avons piqué des trucs aux Small Faces, aux Merseybeats, aux Beatles eux-mêmes ! Des accords majeurs en sixte se sont mis à faire surface un peu partout, notamment à la fin de « Lip Service ». Nous avons fini par appeler cet accord l'accord Beatles, comme si personne d'autre n'avait jamais employé une sixte dans un accord ! Mais « Please Please Me » est la chanson la plus célèbre qui se termine de cette façon... »

Tu as dit un jour que This Year's Model (le deuxième album) était ta version de Aftermath (le quatrième album des Stones)...

« J'étais fortement sous l'influence de Aftermath que je venais seulement de découvrir car je n'ai jamais été un grand fan des Rolling Stones. Quelqu'un m'a fait écouter cet album et il m'a frappé par son côté insolite. Comme je comprends les choses après avoir écouté leurs autres albums, les Stones avaient jusque là représenté les femmes uniquement comme des jouets à leur disposition. Sur Aftermath ils se sont soudain rendus compte qu'eux aussi pouvaient être les proies de créatures plus sophistiquées. Je me suis identifié à ce disque car j'étais alors dans la même situation et j'ai essayé d'en recréer l'ambiance tout en la remettant au goût du jour ».


Que penses-tu de la version de « Hand in Hand » (qui figure sur This Year's Model) par Mathilde Santing ?

« C'est une version inhabituelle, je ne vois pas très bien pourquoi elle l'a arrangée de la sorte, si ce n'est qu'elle compte sur la joliesse de l'arrangement pour amener les gens à écouter le texte, qui n'est pas du tout ce à quoi on s'attend normalement avec une mélodie pareille. Mais il m'a toujours semblé que c'était déjà une fort jolie mélodie au départ. Je l'avais d'ailleurs écrite pour Nick Lowe, mais il n'en a pas voulu parce qu'elle contenait trop d'accords : il était alors dans une phase où il ne voulait jouer que des morceaux à trois accords, ou même moins ! »

De manière générale, quelle est ton attitude vis-à-vis des gens qui reprennent tes compositions ?

« Je suis très intéressé, même si je suis parfois déçu parce que les gens ne sont pas plus imaginatifs. L'adaptation de Mathilde Santing me déroute, mais c'est tellement plus original et intéressant que certaines reprises qui sont pratiquement des copies conformes. J'attends d'une reprise qu'elle soit aventureuse, qu'elle ajoute de la personnalité, une personnalité différente de celle qui émanait de la version originale, sinon elle n'a aucune raison d'être ».

Y a-t-il des interprètes que tu estimes et que tu aimerais entendre reprendre une de tes chansons ?

« Il y a pas mal de bons chanteurs inconnus en Angleterre. Je vais par exemple écrire une chanson' pour Sunset Gun, un jeune groupe de Glasgow qui n'a pas encore enregistré. Evidemment, je serais content qu'Aretha Franklin reprenne une de mes chansons, mais découvrir de nouvelles voix est plus excitant. Le problème, c'est le manque de matériel : il y a des chanteurs qui ont naturellement une bonne voix, mais ils ne peuvent la développer parce que les chansons qu'on leur donne à chanter n'ont aucune substance ».

Peu de gens, c'est vrai, ont la chance d'être comme toi un excellent auteur-compositeur et un brillant interprète

(avec un petit rire modeste). « Merci beaucoup ! Il y a depuis toujours un grand débat pour savoir si mon fort est d'écrire des chansons ou de les chanter, mais j'ai toujours su que je pouvais chanter mieux que les gens ne le pensaient. C'est une des raisons pour lesquelles j'ai enregistré « Almost Blue », pour mettre ma voix en valeur sans que les auditeurs puissent se concentrer sur quoi que ce soit d'autre, mais comme j'ai choisi pour ce faire un genre musical contre lequel énormément de gens ont des préjugés, j'ai finalement raté mon but... Je ne veux pas faire un autre album de reprises parce que l'autre genre musical qui m'attire est te soul et le Rhythm'n'Blues et qu'il y a dans ce domaine de toutes grandes interprétations que je ne me risquerais pas à défier... »

Après Get Happy!, ton album d'inspiration soul (1980) tu avais déclaré que tu te retirais de la musique. Qu'est-ce qui t'a fait revenir sur ta décision ?

«Je ne me rappelle pas grand chose de cette époque sombre... Je me souviens d'être revenu en Europe et d'avoir fait une tournée avec Martin Belmont (guitariste de The Rumour) en remplacement de Steve (Nieve, claviériste des Attractions), qui avait eu un accident de voiture. Avec deux guitares, nous avions un son tout à fait différent. Malgré cela. nous avons donné quelques bons concerts. Le fait d'être dos au mur m'a redonné l'envie de me battre alors que j'avais renoncé par désillusion. En fait, cette tournée ne fut pas si catastrophique, mais je ne voulais pas finir comme ça sans dignité, en donnant l'impression que le groupe s'était effrité dans le désarroi. C'était une question de fierté. Et puis le blocage que j'avais eu sur le plan de la composition a disparu, je me suis remis à écrire et du coup j'ai eu envie d'enregistrer à nouveau. Comme je n'avais rien écrit depuis deux mois, j'ai écrit tout Trust (1981) très rapidement et l'album s'en ressent : certains morceaux sont d'un piètre niveau. Mais malgré tout ce disque valait la peine, même si pendant longtemps j'ai été incapable de l'écouter. La production est un peu confuse, mais les meilleurs morceaux figurent encore toujours dans notre set. » (à la VUB, « Watch Your step », « Big Sister's Clothes » et « Clubland »).

A propos de production, tu comptes retravailler avec Clive Lange et Alan Winstanley (producteurs de Punch the Clock) ?

« Oui, je vais faire le prochain album avec eux. J'ai une idée de sonorité beaucoup moins disciplinée que sur Punch the Clock et totalement différente de tout ce que Clive et Alan ont fait jusqu'à présent. Je pourrais le faire moi-même, mais ça risquerait de devenir un peu confus : j'ai besoin d'être guidé, d'autant plus que je veux essayer d'enregistrer l'album en deux semaines, ce qui est très rapide, pour privilégier le feeling en réduisant le temps de réflexion. Cela demandera une préparation minutieuse et j'aurai besoin des talents de Clive et Alan.

Une fois l'album terminé, j'entrerai en studio avec Nick Lowe. Il a une composition que j'aime beaucoup et je l'ai persuadé de me laisser essayer de la produire. Ce renversement des rôles sera une expérience intéressante.

Et puis il y a mon label Imp sur lequel était sorti « Pills And Soap » et que je réserve à des disques inhabituels dans ce genre qui ne trouvent pas de débouchés ailleurs. Je viens ainsi de sortir le disque de Philip Chevron « The Captain And The Kings » (un texte du dramaturge irlandais Brendan Behan). »

« Pills And Soap » et « Shipbuilding » exprimaient ton amertume face au gouvernement conservateur. Penses-tu qu'il y ait un espoir d'amélioration ?

«J'aimerais le croire. Tant de malheurs imprévus se sont abattus sur le gouvernement conservateur ces deux derniers mois que sa popularité à fort baissé. De plus, il a suffi que les travaillistes se choisissent un nouveau chef de file pour que bien des gens retrouvent confiance dans un parti qui les avait tellement déçus. Je les trouve fort crédules, mais bon, c'est un début. Et l'invasion de la Grenade a encore accentué le gâchis dans lequel se débat le gouvernement en montrant à quel point Margaret Thatcher n'est qu'un pion de Reagan. Elle a perdu beaucoup de sa crédibilité et les gens commencent à se demander qui détient réellement le pouvoir. Si les gens se posent cette question, il y a un espoir qu'ils élisent quelqu'un qui ait une conception plus saine des choses. J'ai cet espoir... »

Scanning errors uncorrected...

-

Rock This Town, No. 12, December 1983


Nadine Milo interviews Elvis Costello prior to the concert, Sunday, November 6, 1983, Vrije Universiteit, Brussels, Belgium.

Images

cover
Cover.

Page scan.
page scan


page scan
Page scan.


Photos by Etienne Tordoir.
photo


photo
Photos by Etienne Tordoir.



illustration
Illustration.


contents page
Contents page.


-



Back to top

External links