Best, August 1991: Difference between revisions
(formatting) |
(+remaining text) |
||
Line 39: | Line 39: | ||
« Les chansons de "Spike" n'étaient pas très complexes: elles donnaient l'impression de l' être à cause de leurs différences tâtonnantes ou de leurs oppositions dramatiques. Sur "Mighty Like A Rose", les structures sont plus élaborées, mieux abouties, je dirais presque que leur rendu est globalement hmm… harmonieux. C'est certainement dû au rôle décisif des claviers. Ils offrent de l'espace, plus de liberté aux personnages dans les chansons. Bref, ce sont plus tout-à-fait des pop-songs où l'auteur crache ses sentiments au premier degré. Exemple: "Harpies Bizarre". Il y a une sorte de pont, de passage au milieu, qui sonnera absurdement à la radio: soudain, un rondeau d'instruments à vent. J'en avais besoin pour dessiner le décor de l'histoire, glauque, d'une jeune fille assez naïve pour se laisser séduire par un homme plus âgé et beaucoup plus sophistiqué. La scène ne pouvait pas se situer dans un nightclub, où, naturellement, un bon gros solo de guitare et quelques boites à rythme auraient parfaitement fait l'affaire. Mais parce qu'un texte de chanson n'est pas une nouvelle et que je ne voulais pas l'alourdir, j'ai utilisé le hautbois et le reste pour figurer un hall d'hôtel, un salon d'ambassade ou ce genre d'endroit chic et feutré, désuet mais piégé. L'histoire et les personnages prennent du. coup un tout autre ton, une toute autre direction, et la chanson devient, sinon, adulte, du moins autonome. Voilà comme quoi, encore une fois, le fond induit la forme et réciproquement…» | « Les chansons de "Spike" n'étaient pas très complexes: elles donnaient l'impression de l' être à cause de leurs différences tâtonnantes ou de leurs oppositions dramatiques. Sur "Mighty Like A Rose", les structures sont plus élaborées, mieux abouties, je dirais presque que leur rendu est globalement hmm… harmonieux. C'est certainement dû au rôle décisif des claviers. Ils offrent de l'espace, plus de liberté aux personnages dans les chansons. Bref, ce sont plus tout-à-fait des pop-songs où l'auteur crache ses sentiments au premier degré. Exemple: "Harpies Bizarre". Il y a une sorte de pont, de passage au milieu, qui sonnera absurdement à la radio: soudain, un rondeau d'instruments à vent. J'en avais besoin pour dessiner le décor de l'histoire, glauque, d'une jeune fille assez naïve pour se laisser séduire par un homme plus âgé et beaucoup plus sophistiqué. La scène ne pouvait pas se situer dans un nightclub, où, naturellement, un bon gros solo de guitare et quelques boites à rythme auraient parfaitement fait l'affaire. Mais parce qu'un texte de chanson n'est pas une nouvelle et que je ne voulais pas l'alourdir, j'ai utilisé le hautbois et le reste pour figurer un hall d'hôtel, un salon d'ambassade ou ce genre d'endroit chic et feutré, désuet mais piégé. L'histoire et les personnages prennent du. coup un tout autre ton, une toute autre direction, et la chanson devient, sinon, adulte, du moins autonome. Voilà comme quoi, encore une fois, le fond induit la forme et réciproquement…» | ||
Au vu du résultat, c'est vrai: ce lambeau de menuet serti dans le rock cabbalistique costellien a de l'allure. Et probablement de l'avenir. Mais faut-il en passer par ce discours esthético-" | Au vu du résultat, c'est vrai: ce lambeau de menuet serti dans le rock cabbalistique costellien a de l'allure. Et probablement de l'avenir. Mais faut-il en passer par ce discours esthético-"maturisé"? En son temps, le crescendo furioso de "Shot With His Own Gun" se suffisait amplement. Que dirait de tout cela l'un des bons maîtres de notre Elvis Pensant, le Kinky prince Ray Davies? | ||
« Il dirait que j'en fait trop, bien sûr... Lui avait le génie du détail poignant: dans ce style, "Waterloo Sunset" ou "Two Sisters" sont inégalables. Moi aussi, je suis l'observateur, le clown blanc de mes chansons. Mais je ne suis pas dupe: elles ne restent pas objectives, j'influe sur elles, d'une manière ou d'une autre. Toujours dans "Harpies Bizarre", l'avant dernier couplet me fait entrer en scène: je ne peux m'empêcher d'intervenir, dè souffler à la fille qu'elle s'abandonne à un mensonge, à une mascarade, qu'elle le sent bien au fond d'elle même et que ça se voit, que c'est triste et banal comme un feuilleton bon marché... Après vient "After The Fall" , où la fille rentre chez elle toute nimbée de l'univers du séducteur: ses mots, ses tournures, ses manières. C'est pénible à admettre, non? Quelque chose me gène dans ce chaméléonisme des jeunes filles...Quand j'avais leur âge, je' ressentais une aigreur insoutenable en les voyant préférer des darons biscornus, et tout leur céder. Maintenant, j'agis comme mon oeil, mon sang et ma mémoire me le permettent: j'écris sur elles, je crois mieux les comprendre, peut-être même qu'enfin je les aime... Evidemment trop tard, et pas toutes, attention!..» | |||
Au fait, son épouse, Cait, pourquoi lui a-t-elle composé cette très sombre quasi-prière, "Broken"? | |||
« Ah, ça, c'est du mélo, n'est-ce pas? "Broken" m'évoque la grande tradition des chansons populaires françaises! Quand Edith Piaf chantait "Mon Homme", ses phrases disaient sa défaite, mais sa voix criait qu'elle allait le tuer. C'était perceptible universellement, l'ambiguïté sonne si bien en français...C' est ce que j'ai voulu injecter dans "Broken" : j'ai vieilli, mais pas au point de laisser mon amour filer en poussant des bravos! » | |||
CONFESSION | |||
Ambiguité? En fait, l'auteur schyzo de "Pump It Up" et d' "Every Day I Write The Book", rompu aux ficelles d'un métier qu'il prétendit exécrer mais plus tarraudé que jamais par ses phantasmes sacrificiels, affiche avec brio un funambulisme nouvellement acquis, et maîtrisé. J'avais cru apercevoir la silhouette de Dylan dansant dans les flammes lancées par "How To Be Dumb", comme les guerriers mongols brûlaient leurs vieux chefs qu'ils accusaient d'avoir déchu. Crétin de moi, Costello tombe des nues: | |||
« Hein? Dylan? Non, non-non-non!! Allons, j'ai un bien trop grand et profond respect pour seulement... à la limite, qui tu veux mais pas ça, pas lui! C'est un pamphlet plus général, de toute façon. Qui s'adresse aussi bien aux victimes, actives ou passives, des illusions vendues par ce qu'est devenu le rock qu'aux consommateurs de musées béats: ça existe, l'allégorie, non? New-York s'excuse d'être un tas d'ordures en multipliant ces lieux faux et solennels où s'enferment tous les arts tournant le dos à la vie... Et Beaubourg, alors, ça ressemble à quoi ?: » | |||
Hou-là, un ou deux démons viennent de se réveiller, gare aux éclats... | |||
« Moi, des disques, j'en ferais plus souvent (ça prend quoi, trois mois à écrire et à mettre en boite?) mais les compagnies de disques n'aiment pas ça: un disque est un foutu produit, et un produit, ça se "travaille"! Ce qu'on est en train de faire, d'ailleurs... Leur idéal, c'est Madonna: elle serait un génie pour vendre du sexe!! Merde, Madonna! J'aime bien deux-trois bricoles d'elle et son sens du scandale, mais quel miracle y a-t-il dans sa célébrité gigantesque? Elle est à la télé tout le temps!. Dans les sixties, il n'existait pas de télé "globale", mais les Beatles et Mohammed Ali étaient connus jusqu'en Patagonie: ils signifiaient quelquechose de l'ordre du désir... Madonna, excuses-moi, mais à coté, c'est Pigalle à l'échelle du monde! » | |||
On revit. | |||
{{ | {{cx}} | ||
{{Bibliography notes header}} | {{Bibliography notes header}} |
Revision as of 22:04, 9 October 2014
|