Best, August 1991: Difference between revisions
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Sa question claque comme un oukase. J'ignorais, au moment de l'interview, que Bruce Thomas, le bassiste homonyme de Pete et virtuose à visage de batracien, s'était fendu d'un bouquin (fielleux autant que mesquin m'a-t'on rapporté) où l'Elvis n'apparait pas sous son meilleur jour et uniquement sous la désignation-corbac de "The Singer"... On imagine aisément l'effet sur un caractère aussi souple que celui de Costello. Ce qui surprend davantage, dans ce commentaire d'après-divorce, c'est l'apparition de termes comme "carrière", "boutique enthousiaste" ou "réactions encourageantes dans le public": l'Amuseur Bien Aimé, ainsi qu'il lui est arrivé de s'auto-clouer au pilori de la dérision, prendrait-il son jeu au sérieux? Plus tout-à-fait à la légère, en tout cas... | Sa question claque comme un oukase. J'ignorais, au moment de l'interview, que Bruce Thomas, le bassiste homonyme de Pete et virtuose à visage de batracien, s'était fendu d'un bouquin (fielleux autant que mesquin m'a-t'on rapporté) où l'Elvis n'apparait pas sous son meilleur jour et uniquement sous la désignation-corbac de "The Singer"... On imagine aisément l'effet sur un caractère aussi souple que celui de Costello. Ce qui surprend davantage, dans ce commentaire d'après-divorce, c'est l'apparition de termes comme "carrière", "boutique enthousiaste" ou "réactions encourageantes dans le public": l'Amuseur Bien Aimé, ainsi qu'il lui est arrivé de s'auto-clouer au pilori de la dérision, prendrait-il son jeu au sérieux? Plus tout-à-fait à la légère, en tout cas... | ||
AFFEC(ta)TIONS | |||
« Je ne vais pas non plus me mettre à cracher sur le passé, malgré tout: avec Steve Nieve, on a connu de belles heures. Même sur les disques les plus foireux, Steve et moi avons fabriqué quelques bonnes petites choses. Des grandes aussi, parfois à son initiative. Il a failli sauver "Trust" et il a un son, c'est clair. Mais Larry Knechtel a plus de ressources que lui, en particulier rythmiques, et plus de diversité dans son jeu. Chez lui, l'influx rock' n'roll se combine avec le gospel et la soul... Disons que Steve peut faire certains trucs étrangers à Larry, mais que Larry, lui, peut faire des tas de trucs impossibles pour Steve. Et Marc Ribot, tu l'as entendu dans "Mighty..." ? Avec lui, on a travaillé sur les nuances: il est bien mieux intégré que sur "Spike". Là il a participé aux arrangements, contribué à une nouvelle déclinaison des couleurs, enrichi la palette sonore. Grâce à Mitchell Froom (producteur et touche à tout d'élite) et eux, la musique n'est plus confinée à une opposition crispante entre l'aspect mélodique et la trame angulaire de la plupart de mes chansons.» On décèle pourtant un air de famille entre "Watching The Detectives", au hasard, et "Hurry Down Doomsday (The Bugs Are Taking Over)" qu'on pourrait traduire ici, à la va vite, par "Bonjour Tristesse (Place Aux Blattes)"... | |||
« Probablement: c' est toujours ma bonne vieille hargne! Mais au plan de la structure, ça n'a plus grand-chose à voir. J'avais les bases de "Doomsday..." dès les séances de "Spike" : un fourbi pas racontable dont je ne venais pas à bout. Et puis Jim Keltner (batteur californien de légende) a débarqué, m'a offert la clef: il a ce don exceptionnel de distinguer le fil d'Ariane, de "mélodiser" même un amas de ferraille. Il avait la distance quand j'errais comme une mouche sur une fenêtre... Au final, et sans que personne en ait vraiment décidé ainsi, "Domsday..." est le vilain petit canard de l'album, mais j'en suis infiniment reconnaissant à Jim.. (Il faut croire, puisque, honneur rarissime, le titre est co-signé Keltner.) Pour moi, à la limite, c'est vers ce genre de truc que devrait tendre la dance-music... Sans blague: les gens ont une curieuse façon d'envisager la dance-music: répétitive, uniforme, chiante... alors que Bach et Stravinsky ne faisaient pas autre chose, Bach surtout. J'aime bien cette idée-là de la dance-music: exactement à l'opposé de cette sarabande pour insectes et punaises qu'on entend partout... » Ses marques de semeur de mines retrouvées, il se marre comme un diablotin. J'en profite, à ce moment là, pour lui demander si des accidents ne sont pas intervenus depuis qu'il a écrit ... | |||
« A mes chansons ou à moi ? Parce que Dieu merci, ce n' est pas systématiquement lié. Sur scène, avec ce groupe, on va secouer quelques anciennes hardes: certaines ont jusqu'à quatorze ans, ça va leur faire une sacrée friction! Juste les recopier me paraîtrait un symptômes de sclérose aggravée: dans ce sens, oui, des accidents arrivent, heureusement! Je veux dire des accidents musicalement heureux. Quand je suis parti en solitaire tenter le coup de "King Of America" , c'était une double rupture: avec mon gang, avec l'Angleterre (et j'éta. it considéré comme un sale péteux au delà de l'Atlantique. La première fois que je me suis retrouvé nez à nez avec des mythes vivants tels que Jerry Sheff, James Burton ou Keltner, je n'en menais pas large, crois moi. Mais eux s'en foutaient pas mal. Ils ont des montagnes d'expérience, et des foultitudes d'anecdotes!) mais pour peu qu'ils te "sentent", ils te la donnent sans faire d' esbrouffe. Ces types sont tout sauf blasés: disponibles et à l'affût, dingues et sages à la fois. Dire qu'ils sont devenus mes amis, à moi qui en rencontre si rarement (surtout dans le soit-disant petit monde du rock and roll) étrange, non? » | |||
Oh que si, spécialement quand on se souvient de quel mépris l'Elvis écrasait la corporation des musicos (il y a eu pugilat! Du temps où Linda Ronstadt et la crème. des studios californiens reprenaient trois de ses précieuses perles sur le "Mad Love" d'icelle, ce n'était que "gâchis de vinyle", "fonctionnaires réacs", "ploucs accapareurs" et tutti quanti.) Les temps changent et les ciseaux aussi, quoique promettent les augures... Et Napoléon Dynamite d'enfoncer le clou: « Mon attitude par rapport à la musique a beaucoup évolué » Mais qui commande: le fleuve ou le batelier?... | |||
EFFRACTIONS | |||
« Les chansons de "Spike" n'étaient pas très complexes: elles donnaient l'impression de l' être à cause de leurs différences tâtonnantes ou de leurs oppositions dramatiques. Sur "Mighty Like A Rose", les structures sont plus élaborées, mieux abouties, je dirais presque que leur rendu est globalement hmm... harmonieux. C'est certainement dû au rôle décisif des claviers. Ils offrent de l'espace, plus de liberté aux personnages dans les chansons. Bref, ce sont plus tout-à-fait des pop-songs où l'auteur crache ses sentiments au premier degré. Exemple: "Harpies Bizarre". Il y a une sorte de pont, de passage au milieu, qui sonnera absurdement à la radio: soudain, un rondeau d'instruments à vent. J'en avais besoin pour dessiner le décor de l'histoire, glauque, d'une jeune fille assez naïve pour se laisser séduire par un homme plus âgé et beaucoup plus sophistiqué. La scène ne pouvait pas se situer dans un nightclub, où, naturellement, un bon gros solo de guitare et quelques boites à rythme auraient parfaitement fait l'affaire. Mais parce qu'un texte de chanson n'est pas une nouvelle et que je ne voulais pas l'alourdir, j'ai utilisé le hautbois et le reste pour figurer un hall d'hôtel, un salon d'ambassade ou ce genre d'endroit chic et feutré, désuet mais piégé. L'histoire et les personnages prennent du. coup un tout autre ton, une toute autre direction, et la chanson devient, sinon, adulte, du moins autonome. Voilà comme quoi, encore une fois, le fond induit la forme et réciproquement...» | |||
Au vu du résultat, c'est vrai: ce lambeau de menuet serti dans le rock cabbalistique costellien a de l'allure. Et probablement de l'avenir. Mais faut-il en passer par ce discours esthético-"ma- | |||
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Revision as of 20:36, 9 October 2014
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