Best, October 1993

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Elvis Costello


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  François Ducray

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Depuis Juliet Letters et son quatuor à cordes, la sortie d'un nouveau Costello est attendue avec plus encore de fièvre expectatrice ! Il est en route, justement, et c'est l'occasion de jeter un oeil en arrière pour se rendre compte de l'étendue du chemin parcouru.

Parfois, trop souvent, Elvis Costello fait penser à ces écrivains bavards dont les propos papillonnants distraient de lire leurs livres. Il est d'ailleurs, à son corps défendant et de toute son âme d'artiste meurtri, d'abord un écrivain. Enfin, un auteur. Compositeur et interprète après seulement. Un auteur par son éducation, son érudition, ses méthodes et ses manies. Un auteur par instants si brillant (pétaradant d'idées, carnassier du langage, maître d'armes és assauts d'expressions) que le compositeur en lui ploie sous le joug, se décourage, et qu'alors l'interprète y trouve matière à de salutaires accès de rébellion : la musique est son sacerdoce de compensation, le chant son écot sacrificiel volontiers consenti. Bref, Costello pense avant d'écrire, re-pense en écrivant, se dépense à composer et gagne un gros lot perso quand il se dispense de penser en chantant ! Rocker volontariste comme personne et collet-monté par défiance, il est plus incertain qu'éparpillé, plus vibrionnant du cervelet qu'aventurier des tripes : beaucoup plus volontariste que rocker. Quatorze albums plein-pot, deux compilations masquées et deux Best Of dont un double à tiroirs font sur seize ans un score impressionnant mais sûrement pas le portrait d'un rejeton sans histoires du King, des Beatles ou même de Bob Dylan : de "My Aim Is True" aux "Juliet Letters", Declan-Elvis Costello-MacManus accumule une oeuvre à l'emporte-pièce tout en déconstruisant dix, vingt, cent personnages de fiction, voire de complaisance. Avec lui, on est toujours un peu au théâtre aussi, et pas que de boulevard !

Son premier album déboule en 77. Tout a été dit, y compris par lui-même (c'est le mot) sur la coïncidence qui le fit apparaître en pleine éruption punk. Coincé tel un Droopy mal-voyant entre les Pistols et les Clash, cet Elvis de brocante passe haut les pattes l'examen d'une critique affolée dont l'unique critère vaillant s'épelle ouf ! Jean-Foutre en veston étriqué et pompes moussues, il n'a certes pas le charme éminemment britannique, burlesque et désossé d'un Ian Dury mais leurs disques portent le même label, Stiff et celui du binoclard un titre dans la note : Mon But Est Vrai ? Cet esperanto de hasard tombe à pic, surtout relayé par "de vraies chansons". A bien ré-écouter cette primale bordée, on l'assimilerait plutôt à une volée de récriminations socialo-sentimentales avec surcharge dans les bagages d'un si jeune-homme : il n'a pas vingt-quatre ans mais déjà un divorce sur le feu et un ton de baroudeur des boudoirs. "Alison", balade abrasive autant qu'étudiée, sera son premier hit aux USA, où l'aspect chétif et têtu du zozo attire un public de jeunes-filles effarouchées par Johnny Rotten et dont les grandes soeurs n'ont jamais oublié l'attendrissante silhouette de Buddy Holly. Produit en vingt-quatre heure par Nick Lowe, pub-rocker au nez creux, et emballé par un groupe californien de passage (Clover, dont l'harmoniciste se fera un petit nom FM, Huey Lewis), "My Aim Is True" et sa loto d'exportation ne révèlent qu'un tempérament ombrageux et pour l'heure inclassable.

Celles qui s'annoncent vont à la fois éclairer l'art ascendant de ce caméléon stylistique malgré lui et brouiller son image par trop immédiatement narcissique (et référentielle). N'empêche, en dix-huit mois, quel brelan : "This Year's Model", Armed Forces", "Get Happy" ! Lancé à fond de ballon dans la course fameuse à la créativité chaotique et au succès sans filet, le bilieux Prétendant ne peut pas ne pas songer à certaine trilogie dylanienne des sixties. Dès 1978 et les premiers échos dérangés de "Watching The Detectives" (un "Like A Rolling Stone" de banlieue lépreuse et paranoïaque, comme il se doit, pointé en single avant-coureur mais amplement compilé depuis) et jusqu'aux soubresauts crétino-médiatiques de 80, le voilà titubant sur un itinéraire initiatique commun aux trop bons élèves en littérature (rock incluse) désireux à tout prix que la vie les dépouille des habits de l'enfance pour mieux les plonger nus dans la bouilloire de l'expérience... Sauf que malgré tout, Costello chante. Un fatras lui ressemble à un affrontement total. Et à du rock !

Le modèle de l'année

Chez lui, un cynisme plus qu'intelligent et ridiculement arrogant à la Flaubert perce sous la couche fragile de romantisme adolescent. Et sous le quatuor qu'il a constitué à sa dévotion pointe le nez d'un Lennon qui aurait (encore) l'inconvénient de la doublure mais l'avantage d'avoir avalé Freud, lui au moins ! Ce groupe est important, décisif, idéal et fissible à l'envi : il durera huit ans et donnera presque tout ce temps-là-chaire et couleurs aux desseins et croquis crachés par l'hypocondriaque Agité du Bonnet. C'est en particulier grâce à Pete Thomas (drums secs et puissants), Bruce Thomas (bassiste saurien) et surtout Steve Nieve (Pagannini épileptique des claviers) que "This Year's Model" (son "classique new-wave") claque si vache, que "Armed Forces" (son "clássique rock anglais") broie si noir, que "Get Happy" (son classique R&B") bondit si haut: Elvis-le-Petit n'eut pas su à lui seul exploser les limites de chambre tapisée en peaux de chagrins... Sur scène, do coup, lui et les Attractions font figure de E. Street Band à taille humaine ou de Heartbreakers (tendance Tom Petty!) presque drôles question de densité. Résultat périphérique : un Costello qui nourrit des sentiments contrastés envers l'Amérique y tourne sans arrêt avec l'excuse d'un show qui fonctionne bien. C'est après un concert par là-bas que notre adepte invétéré du "gueuloir" surréaliste s'abîme en une querelle d'ivrognes et des propos racistes au second degré discutable : scandale, confusion, aveux et rétraction, on dirait John-le-Crucifié d'après l'épisode Beatles-contre-Jésus. Sa popularité outre-Atlantique en demeurera pour toujours altérée, mais ceci n'interdisant pas cela, comme voluntiers avec lui, il prendra les droits d'auteurs sur son compte déposés par Linda Ronstadt tout en injuriant la seule chanteuse de l'époque capable d'avoir décelé (et propagé) un goût sucré et long en bouche sous ses farces diablotines...

La Roi des Amériques

Début 81 paraît "Trust", album-pause fait de doutes authentiques, d'échappatoires lumineux et de volte-faces furieuses et fignolées : bonjour Aragon, là (Elsa viendra plus tard..), et, au milieu d'un formalisme nerveux dévoilant une morgue sévèrement battue en brèche, quatre de ses plus formidables chansons ("New Lace Sleeves", "From a Whisper To A Scream", Shot Whit His Own Gun", et "Big Sister's Clothes"). Célèbre et bousculé mais paumé, exsangue et vexé (il s'accusera "modestement" d'avoir gâché "son" occase de catharsis à la "John Wesley Harding"!), Costello tourne son regard né dans les Midlands grisâtres vers le lieu d'un des mythes qui le hantent: sa science encylopédique et maboule de toutes les musiques populaires lui dicte de prendre les eaux à la source Country. Le problème, c'est qu'il révère autant Gram Parsons qu'Hank Williams et qu'inversement, Music City va l'accueillier avec le goudron et les plumes des eighties: un mépris amusé et tout juste poli. Il espérait croiser les légendes vivantes de Nashville mais devra se contenter d'un duo avec George Jones sur sa composition "Stranger In The House", que le Papy Troué reléguera sur une compile nécessiteuse, et d'enregistrer sous la houlette glorieuse de Billy Sherrill la tiède collection de standards sans étincelle ni conséquence initulée "Almost Blue". Un coup presque pour rien dans le bleu pâle ... pourquoi pas, juste derrière, un saut sur la Tour de Babel? Au travers de "Imperial Bedroom", album "produit par Geoff Emerick sur une idée originale d'Elvis Costello", c'est "Abbey Road" qu'il visite en catimini comme un (tur)Lupin s'insinuant la nuit dans la plus haute salle du Louvre. "Abbey Road" ou le rêve évanoui, Belphégor en cendres, la navire amiral de l'Harmonie échoué sur les sables miniscules des vanités humaines: Paul et les violons ? Pas encore: "Imperial Bedroom" reste une ode ambitieuse aux désepoirs assumés, aux amertumes refoulées, aux trahisons dédaignées, vécus par un type qui situe tout cela dans sa galaxie de fan dont le sujet de culte, disque après disque, s'oriente enfin vers soi. Ecoutez "Man Out Of Time", "Beyond Belief" ou "Shabby Doll", écoutez ces bruits d'immersion inéluctable et lente dans l'idée que Costello se fait de SA musique ... Après ça, la Pop Star Crispante ne perdra plus jamais son temps en vulgaires crises de crédibilité; elle va traverser les eighties en s'amusant et en musardant, aux frais des autres et aux siens. En commençant par deux albums d'abord plus facile, les manettes en étant confiées à une paire d'orfèvres assez décontenancés (Winstanley et Langer s'occupaient de Madness, ce qui n'empêchera pas le second de composer la partition de "Shipbuilding", dont Costello ne saura pas défendre ses propres mots pourtant sublimes face à l'émotion brute d'un jet de trompette de Chet Baker, et dont Robert Wyatt fera mine de rien le plus belle chanson-anti-guerre de ces temps avachis). "Punch The Clock" a du swing à revendre, un hit ciselé Sinatra Forties ("Everyday I Write The Book", tiens...) et des Attractions le coeur à leur affaire.

"Goodbye Cruel world" manque de tout cela plus d'humour, et c'est encore une fois un heros de l'Elvis qui sauvera bien plus tard la seule "vraie" chanson de l'album ("The Comedians", veritable costume de scene offert a Roy Orbison, lequel tiera practiquement sa réverence avec).

En 85 , silence radio. Costello produit les Pogues, seduit leur bassiste Cait O'Riordan (qu'il épousera bientöt et déclarera "indicible"... est-ce ainsi que les hommes vivent ?) et s' embarque pour la Californie sous son patronyme chérement révélé de Declan Patrick Aloysius MacManus. Lå, il revet sans complexes les oripeaux d'un WC Fields qui se donnerait pour mission d' explorer la culture américaine avec la caméra d'Orson Welles : tout å l'envers, toujours délibérément ! Et "King Of America" n'en pätira que commercialement : peu de gens goûteront cet immense patch-work de plans séquence Oû l'anecdote vient détourner les grands espaces de leur destin polychrome. Les musiciens, quatorze fois sur quinze, sont des mastodontes tricoteurs de subtilités dont la principale raison d'étre lå n'est pas la rupture avec les Attractions, mais le fait va s'imposer en deux temps : primo, "King Of America" , échec financier, remplit son artiste de fierté légitime; secundo, l'artiste a Vite le mal de mer : rien de tel que son Vieil équipage pour renouer avec le plancher des vaches ! Alors on le rappelle ainsi que Nick Lowe et on se la joue garage, gorge arrachée et la tripaille au vent, histoire de rattraper... Quoi ? Les aficionados de la Costelle ne peuvent qu'adorer "Blood And Chocolate" : c'est une descente en piqué. Mais davantage la cave qu'en enfer, et de toute facon, c'est une impasse. Le rock de notre homme y restera en flaque dans un coin, avec quelques fantömes réels et regrets inutiles pour témoins.

Adieu fracas, la vie désormais est ailleurs... 89 s' achéve. Elvis Costello est un artiste comblé : il s'est acquis, de par le vaste monde, un public enthousiaste, complice et prét tout; il a fondé avec son manager Jake Riviera un label, Demon Records, sur lequel réapparaissent en CD tous ses disques et sortent ses précieuses compilations (cf encadré); il vient de signer, avantageusement, sur Warner pour les nouveaux; il est devenu partenaire d'écriture de Paul McCartney : « On vient du méme bled (Liverpool), on a les mémes racines (I'lrlande). » De fait, les deux Mac vont signer ensemble une dizaine de titres (quatre finiront chez Manus, six chez Cartney) et filer sur trois ans un étrange parallélisme : deux albums de pop cossue et un plus ou moins proto-classique chacun. Mais la comparaison s'arrétera sans doute la (sans parler du reste) : car si "Spike" et "Mighty Like A Rose" ajoutent deux substantiels et fort intéressants chapitres l' oeuvre costellienne (textes souvent éblouissants, compositions fouineuses, combinaisons d'arrangements et de musiciens audacieuses ou inédites : la routine, quoi, le moins qu'on puisse attendre de lui avec de gros moyens, du temps et ce caractére griffus... Merci quand méme pour "Hurry Down Doomsday" !), c'est le pas franchi par "The Juliet Letters" qui compte vraiment. Et commence à raconter, autrement, une autre histoire. Pour l'instant, elle ressemble encore à une portée de notes en forme de points d 'interrogations et à une voix familiére qui n' a pas l'air de badiner : aprés tout, n'est-ce pas l'essentiel de ce qu'on redoute et qu'on espére ? .


Napo l'impo et les frangins masqués...

Outre son savoir musical tous azimuts digne d'une Tres Grande Discotheque, le Grincheux presente la particularité de se régaler d'une foule de perversions annexes : faces B tordues, singles rares et surtout ieux de pseudonymes, bref, tout le kit du collectionneur grave. Ces faces B, ces singles et ces pseudos, l'ére du CD ne pouvait en rattraper un maximum qu'en les compilant par période ou par théme. Costello et Demon Rec. ont choisi les périodes : celle des origines a 80 est "couverte" par "Ten Bloody Marys & Ten How's Your Fathers", celle de 81 a 87 par "Out Of Our Idiot" (Flaubert vu par son double sartrien ?), deux des albums les plus indispensables. Le 'Best Of E.C." de 85 n'apporte pas grand-chose, mais le double " Girls +£+ Girls= $&Girls" reste un must pour fans grands et petits. Quant-aux facéties cagoulées, contentons-nous de quelques perles : The Imposter, Napoleon Dynamite, The Beloved Entertainer, The Emotional Toothpaste, The Coward Brothers (avec son compere T.Bone Burnett)... et ne cherchons surtout pas a deviner lequel d'entre eux a bien pu fourguer ses vieux brouillons la Transvision Vamp borgne et déchue, Wendy James...





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Best, No. 303, October 1993


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