Guitare & Claviers, May 1986: Difference between revisions
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Pauvre Elvis, il n'a pas été épargné. Sa tournée avec The Attractions a été éreintée ; c'est tout juste si on ne lui a pas demandé de songer à une retraite anticipée. Notez que la tournée n'était pas seule à se faire éreinter ; Costello avoue avoir présumé de ses forces, de sa résistance et que vers la fin (le milieu, plutôt, non ?), il était tellement épuisé que fatalement | Pauvre Elvis, il n'a pas été épargné. Sa tournée avec The Attractions a été éreintée ; c'est tout juste si on ne lui a pas demandé de songer à une retraite anticipée. Notez que la tournée n'était pas seule à se faire éreinter ; Costello avoue avoir présumé de ses forces, de sa résistance et que vers la fin (le milieu, plutôt, non ?), il était tellement épuisé que fatalement | ||
cela se ressentait durement, aussi bien sur les membres du groupe que sur le résultat. Une évidence... N'était-ce pas là le tournant d'une carrière ? Je suis toujours au tournant de ma carrière ! | |||
Il faut admettre qu'il a pris cette succession de « catastrophes » du bon côté ; pour surmonter une telle crise, un tel assaut, rien de tel que d'en accepter l'existence, voire la véracité, histoire de ne pas se draper dans sa dignité et de se morfondre, en persistant dans l'erreur. J'ai connu un peu la même expérience après la tournée de « Get Happy ». Je voulais tout abandonner, ne plus enregistrer. J'ai donc décidé de m'arrêter complètement pendant six mois ; ce qui m'a immédiatement donné l'énergie, l'envie" de m'y remettre, plus que jamais. En fait, il lui suffisait de se dire déchargé de toute obligation, aussi bien de tourner que d'enregistrer, pour retrouver l'esprit libre, indispensable à sa réussite. Ce qu'il démontre à merveille lors de ses tournées en solo, une époque qui favorise des échanges avec T. Bone Burnett, un brassage d'idées qui mène tout droit à « King Of America ». ll m'est apparu que les titres de « Goodbye Cruel World » n'étaient pas foncièrement mauvais mais que je n'avais pas su trouver les mots justes, une façon limpide de raconter des choses simples. Plus question de s'enliser dans l'ésotérisme et de triturer la grammaire il suffisait de dire les choses simplement. Une musique limpide, des textes limpides. Brusquement, tout s'est éclairci pour moi, sans que je sache pourquoi ou comment, tout devenait facile, me venait spontanément. On se demande d'ailleurs si, parfois, Costello ne s'y perd pas un peu dans ses mots, dans son apparente facilité à manier la langue. Les phrases tellement obscures que luimême ne s'y retrouve plus, ça a vite fait d'ennuyer le plus baudelairien des rockers à Q.I. Ce qui a — quasiment — disparu du nouvel album, grâce aux bons soins de T. Bone qui ne laissa jamais Costello s'enfumer dans ses délires phraséologiques. Si en trois prises la chanson n'est pas dans la boite, je commence à la réécrire, à l'arranger, à la déranger plutôt, et à obtenir finalement... un résultat encore pis. Ce qui, on ne le répétera jamais assez, n'est pas le cas de « King Of America » ; certainement parce que les titres ont été mieux écrits, qu'ils ont été mieux finis, que Costello était, enfin, persuadé qu'il n'y avait rien à y reprendre, qu'ils exprimaient parfaitement ce qu'il avait voulu y mettre ; pour preuve, pour démonstration, 171 Wear It Proudly, la simplicité dans ce qu'elle a de plus beau, la beauté dans ce qu'elle a de plus simple. A se demander s'il ne suffisait pas de mettre sur le paillasson The Attractions pour retrouver l'enchantement. Originellement, l'album devait être moitié en solo et moitié avec The Attractions ; puis, en discutant des perspectives de l'album avec T. Bone, il m'est apparu que tout devait servir cette nouvelle façon de concevoir les chansons. Il fallait prendre, non pas des meilleurs que The Attractions, mais des musiciens qui collaient idéalement aux titres. Ce qui fut fait avec TCB. Une mise à l'écart dont on se doutait, depuis le concert de Costello avec T. Bone, sous l'appellation non contrôlée de « Coward Brothers », au Duke Of York, l'année dernière. Un rôle de moins en moins prépondérant qui a dû rendre fous de rage, et de jalousie envers T. Bone, les membres de The Attractions qui n'avaient pas besoin d'une telle expérience pour connaître des tensions, le mot est faible, avec Costello. Des tensions qui semblent avoir totalement disparues dans « King Of America », où l'on sent le maître à bord détendu comme il l'a rarement été, offrant une force de conviction qui fait plaisir à entendre. Nous avons cherché à casser les habitudes, à rompre d'avec ce que j'avais coutume de faire. | |||
C'est vrai qu'il en a surpris plus d'un, l'ami Elvis. D'abord en faisant précéder la sortie de l'album d'un simple, Don? Le Me Be Misunderstood, qui a fait dire à certains : mais pourquoi diable, après un an d'absence, revient-il avec une chanson qui n'est même pas de lui ? | |||
Je voulais simplement amener l'album, une sorte d'introduction que les gens ont mal interprétée. Une incompréhension qui semble bien souvent être le lot de Costello... Pour certaines personnes, Costello n'est plus un être humain mais une marque de fabrique, un ensemble de positions, d'attitudes attachées au nom... Un phénomène qui n'est sans doute pas étranger aux critiques récentes. Depuis dix ans qu'il arpente les allées du show business, depuis son premier album, il a évolué. Mais pas comme une entité, comme un être | |||
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Revision as of 19:28, 11 January 2016
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