L'Express, November 19, 2008

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EVÉNEMENT

Sting et Elvis Costello, des rockeurs à l'Opéra

Les deux stars seront sur la scène du théâtre du Châtelet, entourées de chanteurs d'opéra, pour Welcome to the Voice. Un pari fou que ces monstres sacrés commentent en exclusivité.


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Assis côte à côte, dans une salle du théâtre du Châtelet, ils se lancent des vannes, des regards complices, s'amusent de leurs différences. Sting arbore une barbe de quatre jours, le regard fatigué mais serein. Costello semble sorti d'un film de Jim Jarmusch, avec ses extravagantes lunettes noires, son chapeau et le sourire sarcastique qui fait son charme. Il fut un temps où les deux stars étaient en guerre.

Pendant que le leader de Police électrisait les foules, Costello, ancien punk, annonçait la mort du rock et composait un magnifique standard de jazz, Almost Blue, repris par Chet Baker. Aujourd'hui, les deux chanteurs partagent une aventure inédite : ils incarnent les personnages principaux de Welcome to the Voice, un opéra classique dans lequel ils confrontent leurs voix à celles de sopranos lyriques. En exclusivité pour L'Express, ils évoquent les coulisses de cette oeuvre titanesque.

Sting et Elvis Costello entourés de quatre chanteuses d'opéra, du Choeur du Châtelet et de l'Ensemble orchestral de Paris dirigé par Wolfgang Doerner... Comment un tel spectacle a-t-il pu voir le jour ?

Costello : Tout est de la faute de Steve Nieve, qui est, depuis trente ans, le pianiste de mon groupe, The Attractions. En 1996, sans rien dire, il a commencé à composer un opéra. Je le voyais plongé dans ses cahiers, occupé à griffonner des notes. Steve est un drôle de type : un rêveur, un solitaire, le prototype du musicien classique un peu fou. Dix ans plus tard, il m'a présenté la partition de Welcome to the Voice. Le livret est signé par Muriel Teodori, une psychanalyste française, devenue sa femme entre-temps. Je me suis laissé entraîner dans cette aventure sensationnelle. En 2000, Welcome to the Voice a été monté à New York. J'y interprétais le rôle principal, celui de Dionysos. Puis, en 2003, je les ai présentés à Sting, qui m'a volé la vedette...

Est-ce vrai ?

Sting : Pas du tout ! L'histoire m'a envoûté. L'intrigue se déroule à Paris, devant un théâtre lyrique : Dionysos, un ouvrier grec clandestin, tombe amoureux de la voix d'une cantatrice. Il quitte son travail et se consacre à sa passion du chant pour conquérir Lily [la soprano Sylvia Schwartz]. Quand il ose enfin franchir les portes de l'opéra pour serrer la diva dans ses bras, un commissaire de police l'arrête. Malgré l'adversité, leur amour triomphera quand même de toutes les différences. Je me suis reconnu dans ce personnage, qui veut subvertir les règles sociales. Je suis né dans un quartier ouvrier, près de Newcastle. Comme Dionysos, j'ai choisi d'abandonner une existence formatée d'instituteur sans espoir. Et puis quand Steve et Muriel nous ont annoncé que le label Deutsche Grammophon était prêt à enregistrer l'opéra, c'est Elvis qui a voulu changer de rôle pour jouer celui du commissaire ! Il disait que sa voix de baryton était parfaite pour interpréter cet odieux personnage.

Le disque est sorti en mai 2007. Mais une partie de l'album a été réalisée en studio. Cette fois, vous jouez sur scène... Le trac ?

Costello : Steve et Muriel ne nous ont jamais demandé de chanter comme Pavarotti ou Domingo. Cela aurait été ridicule et suicidaire. Nous sommes des rockeurs et nous gardons notre style vocal. L'intérêt était de nous confronter à des chanteurs lyriques, de voir si des voix aussi différentes pouvaient se marier. Le trac ? " J'avance par erreurs corrigées ", comme disait Bachelard. Aucune des cinq représentations au Châtelet ne sera pareille, car Sting et moi avons l'habitude d'improviser, tout en nous tenant à la partition.

Sting : J'ai été impressionné en voyant Elvis répéter avec l'orchestre. Il ne regardait pas le chef, pourtant, il ne commettait aucune erreur. Il connaît la musique savante : il a déjà composé un opéra, The Secret Songs, et une suite pour ballet, Il Sogno. Moi, au début, j'étais perdu. Je chante des airs très complexes. Ma voix doit couvrir deux octaves, atteindre des registres suraigus... J'ai travaillé comme un fou, demandé conseil à la soprano Sylvia Schwartz et, depuis mon arrivée à Paris, je passe mon temps à répéter.

Comment vous êtes vous glissés dans la peau de vos personnages ?

Sting : J'ai lu des milliers de pages sur le mythe de Dionysos. Les Romains en ont fait un dieu de l'ivresse, mais il est bien plus que cela. Il est le dieu de l'éternel retour, des rencontres impossibles, du passage d'un état à un autre... L'idée de le réincarner dans le corps d'un ouvrier m'a intrigué. J'ai d'ailleurs rendu visite aux employés d'une fonderie de Pittsburgh pendant une semaine. Je me levais à 5 heures du matin pour les voir travailler... Pendant ce temps, Muriel les filmait. Ces images sont projetées pendant l'opéra.

Costello [hilare] : Il paraît même que, pour tes recherches, tu as demandé un billet pour l'Olympe...

Sting : Tais-toi, Savonarole !

Que vient faire là Jérôme Savonarole ?

Costello : Oh, Sting parle de mon costume. Mon personnage est un homme borné et méchant. Très contemporain et intemporel à la fois, il me rappelle Savonarole, ce moine italien du xve siècle, connu pour ses bûchers des vanités. Comme lui, je porte une toque d'astrakan et des bottes lacées très haut. Les costumes nous aident à nous fondre dans nos rôles. Dans un opéra, on ne fait pas que chanter. Nous avons dû aussi apprendre à jouer la comédie.

Sting : Elvis est un acteur-né ! Ce matin, il a déboulé sur scène avec un regard de fou. Il boitait, bavait, marchait de travers. Ensuite, il s'est mis à crier en demandant leurs papiers à tous, même les musiciens... Les chanteurs étaient effarés. A la fin, l'air de rien, il est descendu du plateau pour aller prendre un café. Il improvise tout.

Quelles sont les différences entre le monde du rock et celui de l'opéra ?

Sting : Je ne me suis jamais senti aussi nu. Lors de la première scène, je chante seul sur un plateau immense. Contrairement à un concert de rock, aucun musicien ne m'entoure. On s'extasie sur les rockeurs " gymnastes ", qui dansent et font des acrobaties, mais, dans un concert rock, je n'ai jamais dû escalader un échafaudage de 7 mètres de hauteur ni descendre du plafond !

Costello : Pendant les répétitions, j'ai adoré voir les cantatrices se métamorphoser. Face à Sting, elles se sont libérées, pour devenir de plus en plus sensuelles. Durant une scène, Dionysos voit en songe le fantôme de Madame Butterfly. Elle l'allonge sur le sol, l'enfourche et se lance dans une danse érotique. Leurs bassins ondoient, leurs mains s'effleurent, leurs cheveux s'emmêlent... C'est magnifique. Cela fait bien vingt ans que je n'ai pas vu une scène aussi " sexe " dans un spectacle de rock !

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L'Express, November 19, 2008


Paola Genone previews Elvis Costello and Sting in Welcome To The Voice at the Chatelet Theatre, Paris, France.

Images

2008-11-19 L'Express photo 01.jpg
Photo credit:Marie-Noëlle Robert

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