Lausanne Nouveau Quotidien, February 16, 1993

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Peut-on devenir Mozart quand on naît Elvis?

Le rock qui flirte avec la musique classique? Longue histoire semeé de retentissants ratages.
Le dernier en date: Les Juliet Letters écrites en commun par Elvis Costello et les chambristes du Brodsky Quartet.

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Thierry Sartoretti

Ils en rèvent tous. Z’ont beau couiner devant un micro et s’arracher les ongles sur des guitares électriques, baver lors des interviews et jouer les mauvais garçons de service. Un jour, le miroir renvoie cette image au rocker: "Mozart est plus célèbre que toi. Tu n’es rien. Tu ne figureras jamais dans un dictionnaire!.

Le problème doit ètre psychiatrique. Œdipien. Un jour alors que le rocker en herbe accorde péniblement sa première guitare, maman entre dans sa chambrette et lui jette ce terrible anathème: "Arrète ce boucan! Si au moins tu savais composer des mélodies inspirées, comme monsieur Bach!» Le rocker adolescent ne s’en remettra pas. Il aura beau figurer régulièrement au hit -parade, bénéficier de l'estime de ses pairs et regner sur une cour d’admirateurs obséquieux, jamais il n’oubliera ce rejet maternel.

Dès lors, égaler Bach, cet"amant" musical de maman, tourne à l’obsession. Le rocker ne mourra pas avant d’avoir livré "son" oratorio, "sa symphonie»…

Il existe également des vocations contrariées. Le rocker qui debute au conservatoire, section "musique médiévale» et qui, pour de sombres raisons (incompétence, alcoolisme, flirt avec une fille ne jurant que par les Rolling Stones ) troque son costume queue-de-pie contre un blue-jean et des boots en daim. Il aura beau faire, sournoise, la frustration d'avoir gache une brillante carriere de concertiste va desormais le banter.

La liste des frustrés du classique remplirait un annuaire téléphonique. Deep Purple, Zappa, Moody Blues. Emerson Lake and Palmer, Michael Jackson, Neil Young,,. on ne compte plus les musiciens "pop" qui font appel à un orchestre symphonique pour donner de la pompe à leur rock de circonstance. Brian Wilson des Beach Boys révait décrire des symphonies directement inspirées de la Nature, Paul McCartney s’est rendu d’un oratorio. Lamont Dozier (le compositeur de Diana Ross) noyait ses productions sous des rivières de violons, se faisant méme tailler un buste gravé "Black Bach".

Dernier en date frappé de classiguite aiguë; Elvis Costello. On connaissait le sérieux du chanteur -compositeur-interprète britannique. Son goût très sûr pour les arrangements, ses dons de parolier, sa musicologie dès qu’il est question de traditions anglo-saxonnes (rock,country, folklore à cornermuses...)

Son dernier album. - «The Juliet Letters» nous le révèle chambriste. Costello porte cravate, costume cendré, partitions et s'affiche avec un quatuor à cordes. Un vrai quatuor à cordes. Pas des violoneux de service, payés à l'heure, venus étaler une couche de vernis classique sur du bon vieux rock des families.

Costello l'avoue, presque avec gêne: il n'a pas enregistré un disque de rock. Ses «Juliet Letters» furent écrites à dix mains, en étroite collaboration-amitié avec le britannique Brodsky Quartet, des jeunes loups de la musique de chambre, rencontrés lors d'un récital au Queen Elizabeth Hall de Londres.

"Nous avons voulu explorer la combinaison — sous-exploitée - d'une voix et d'un quartet à cordes. Mais nous voulions éviter ce ghetto nommé «crossover». Ça n'est pas plus du Costello jouant classique que le premier album rock'n'roll du Brodsky Quartet!» Les« Juliet Letters» . s'étirent sur vingt titres, mélangent pièces instrumentales et livrets chantés.

Le premier morceau suprend comme un jet d'eau froide. Le second séduit. Le troisieme berce. Mais le quatriéme commence sentir l'amidon. Attention, on ne vous dit pas que ce disque est nul. Au contraire, il brille: Costello, premier de classe! On peut l'applaudir! Que voilà une œuvre sérieuse et pensée. du bel ouvrage, de la composition de longue haleine. Mais quel ennui. Quelle raideur. Alors que des musiciens dits classiques tentent de démocratiser et de désacraliser leur archet (voir Nigel Kennedy, le Paganini punk). Elvis Costello — doctement — replace la musique de dans son cliché premier: des mélodies pour accompagner le thé de cinq heures. Elvis Chostakovitch? Essayé. Presque pu

-THE JULIET LETTERS. Elvis Costello - The Brodsky Quartet

(Warner-Musikrertrieb). 9362-45180-2.

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Le Nouveau Quotidien, February 16, 1993


Thierry Sartoretti reviews The Juliet Letters

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Quand les violinistes s'encanaillent

Lecture, côté classique, des «Juliet Letters» d'Elvis Costello flanqué du Brodsky Quartet.

Luca Sabbatini

Il était une fois un chanteur de rock. Un jour, Il rencontre un quatuor à cordes classique. Que croyez-vous qu’il arriva? La réunion dans les studios d’enregistrement d’Elvis Costello et du Brodsky Quartet aurait pu donner naissance à un conte de fées moderne: la jonction et l’assimilation, enfin parfaitement réussies, de deux genres musicaux aussi contradictoires que le rock et le classique. Hélas, il n’en est rien, et cette nouvelle tentative d’établir des ponts entre des musiques qui s’ignorent est un flop retentissant, Certes, la faute est bien partagée. La vision qu’a de la musique dite savante Elvis Costello fera sourire tout vrai amateur de classique: d’un romantisme fleur bleue, pleine de clichés éculés et de stéréotypes, elle correspond mal à son étiquette de rocker "cultivé". Du côté des Brodsky, on peut se demander si l'appat d’une gloire facile et la perspective de doubler sur leur propre terrain les célébres quartettistes du Kronos n’ont pas compté davantage que l’intéret réel à mener à bien cette opération. Leur look très étudié (ils sont habillés par Issey Miyake) prouve assez leur volonté de sortir du cliché du violoneux en queue-de-pie.

Bref, partis d’un bon sentiment, Costello & Friends se sont peut-être laissés dériver vers la facilité et la douce naïveté du "tout-culture", et du métissage à la petite semaine. Il y a bien dans cette langoureuse suite de lettres/chansons adressées à Juliette, quelques allusions au style énergique d’un Chostakovitch (grande spécialité des Brodsky), ou la sérénité suspendue d’un Schubert, mais le résultat vocal dépasse rarement le niveau d’une poussive resucee d’une comédie musicale américaine, cuvée hippie..

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