Le défi était de taille et pour tout dire assez casse-gueule pour Sting et Elvis Costello. Le très attendu Welcome to the voice, mariage insolite du rock et de l'opéra composé par Steve Nieve a été acclamé par le public du Châtelet même si on ne peut pas passer sous silence un texte absolument consternant.
La belle idée, le beau projet. Rien que pour cela il faut rendre hommage à Sting et à Costello. Ils innovent et abattent les frontières entre rock et classique. Ils célèbrent la voix dans tous ses états. La partition de l'Anglais Steve Nieve est celle d'un authentique compositeur. Il intègre à merveille ses références à Carmen, à Norma, à Butterfly. Ce n'est ni du collage, ni une série de variations mais une vraie réflexion de musicologue sur les thèmes de Bizet, Bellini, Puccini. Mais, on sent qu'il s'en gargarise. Au-delà de ses références, son inspiration rock plafonne à une ou deux mélodies.
On enrage tant il semble avoir de talents qui s'épanouissent parfois dans les interventions-improvisations à la trompette, au saxophone et au violoncelle de solistes magnifiques: Ibrahim Maalouf, Ned Rothenberg, Vincent Segal. Cela est assez succinct, manque d'ampleur pour le public en haleine pendant une heure quarante. On aimerait qu'il approfondisse les thèmes et hisse sa partition au niveau d'un véritable opéra. Dans la brèche entre rock-pop et opéra, il a inventé quelque chose. On rêve qu'il poursuive dans cette veine et ne se satisfasse pas d'un superficiel succès public. Ce qui consterne, c'est le texte qu'un élève de 6e pourrait trouver débile avec un assemblage de formules, jargon chic-choc psycho-surréaliste autour des thèmes grecs éternels. C'est affligeant.
Le bonheur de la production tient à Sting, absolument magnifique et aux divas: Sylvia Schwartz, Anna Gabler, Marie-Ange Todorovitch, Sonya Yoncheva. Elles sont très appréciées dans l'univers lyrique et cette production ne peut que donner plus d'impact à leur curiosité musicale . Le hic de la soirée est Elvis Costello qui chante faux du début à a fin. Espérons que ce n'est qu'un accident de parcours.
Le vrai problème de cette production dans une mise ne scène sans problème et sans grande invention, est de savoir à qui elle s'adresse. Les mélomanes lyriques font la moue, les jeunes ne connaissent ni Sting, ni Costello. Les quadra post soixante-huitards? Ils ne forment pas un public. En dépit de ses failles, cette innovation, bien supérieure à toutes les comédies musicales en chantier, mérite d'être saluée.
Welcome to the voice. Théâtre du Châtelet. Jusqu'au 25 novembre. Tél: 01 40 28 28 40
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