Citoyen de Sa Gracieuse Majesté, Declan Patrick Aloysius MacManus est un roi. À tout seigneur, tout honneur, il s'est sacré lui-même en lieu et place de son avant-dernier album: King of America. Et personne n'aura l'aplomb de lui en contester le droit. Elvis Costello, puisque c'est de lui qu'il s'agit, donne deux concerts avec son groupe, les Attractions, le samedi 8 et le dimanche 9 novembre à l'Olympia. Puis il jouera en solo le lundi 10 aux Folies-Bergère.
Mine de rien, il en faut de l'audace pour oser abandonner sa formation, et en découdre seul face au public. Qui, aujourd'hui, se sent d'aller voir un homme chanter avec sa guitare et qui prendrait un tel risque ? On se souvient pourtant, à l'occasion d'une tournée mondiale effectuée, il y a deux ans en solitaire, l'avoir entendu tel quel, tenant pendant plus de deux heures le public en haleine. On avait redécouvert la force mélodique de ses compositions dans un total dépouillement.
Au cours de sa carrière, déjà longue de dix ans et onze albums, il est allé partout mais jamais n'importe où. En pleine période punk, son premier album (My Aim Is True) était pop : le " No Future " de l'époque n'entrait pas dans ses projets d'avenir. Il façonnait la new wave avec le second (This Year's Model), puis faisait sou! (Get Happy!), country and western (Almost Blue), baroque (Impérial Bedroom), folklorique (King of America), tâtait du jazz et du gospel, sans compter ses productions annexes (Specials, Squeeze, Robert Wyatt, Pogues, etc.) ni ses myriades de 45 tours, souvent inédits sur format 33 tours. Et à chaque fois qu'il investit un terrain nouveau, plus vrai que nature, il touche à l'os. C'est systématiquement différent et pourtant toujours du Costello, immédiatement identifiable car hors pair. Il démontre à tous les suiveurs de modes qu'une bonne, une vraie chanson s'adapte à n'importe quel style. Les arrangements s'en chargent. Dans ce domaine aussi, l'artiste fait des miracles.
Elvis Costello compte parmi les plus grands auteurs-compositeurs, à hauteur des Lennon, Dylan, Ray Davies et consorts. L'histoire du rock, si histoire il doit y avoir, le révélera. En attendant, se souciant de la postérité comme d'une guigne, huit mois après la sortie de King of America, dont il ne nous a pas laissé le temps de digérer toute la richesse, le roi Elvis nous livre son nouvel opus (Blood & Chocolate). En fin de contrat chez RCA en France, ce disque n'est disponible qu'en importation.
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