Les Inrockuptibles, November 30, 1997

From The Elvis Costello Wiki
Revision as of 10:39, 13 October 2017 by Nick Ratcliffe (talk | contribs) (Create page for les Inrockuptibles review of ''Painted From Memory'')
(diff) ← Older revision | Latest revision (diff) | Newer revision → (diff)
Jump to navigationJump to search
... Bibliography ...
727677787980818283
848586878889909192
939495969798990001
020304050607080910
111213141516171819
202122232425 26 27 28


Les Inrockuptibles

France publications

Newspapers

Magazines

Online publications


European publications

-
Musiques

Painted From Memory


translate
 Christophe Conte

Burt Bacharach & Elvis Costello -

On exigeait des étincelles de la rencontre entre Bacharach et Costello : on n’obtient qu’un dialogue joli poli. Au cours d’une promenade apéritive sur les sommets ­ God give me strength, présent l’an dernier sur la BO du film Grace of my heart­, le vénérable maître Bacharach et le petit scarabée teigneux Costello avaient […]

On exigeait des étincelles de la rencontre entre Bacharach et Costello : on n'obtient qu'un dialogue joli poli.

Au cours d'une promenade apéritive sur les sommets ­ God give me strength, présent l'an dernier sur la BO du film Grace of my heart ­, le vénérable maître Bacharach et le petit scarabée teigneux Costello avaient tellement à se dire qu'ils ont décidé de ne pas redescendre, pas avant d'avoir ajouté onze nouveaux chapitres à cette conversation de haute tenue. Au tennis, on parlerait sans doute d'échange parfait, entre l'élégant songwriting en fond de court de Bacharach et les montées au filet fulgurantes de Costello, le jeu à la fois fluide et complexe de l'un et les revers tendus, les pirouettes inventives de l'autre. On attendait légitimement de cette rencontre qu'elle serve de modèle, qu'elle achève d'asseoir Bacharach sur le trône en diamants qu'il mérite et Costello parmi ses rares dauphins. On n'avait pas prévu que les deux, au cours de la partie, lorgneraient avec autant d'insistance sur la chaise d'arbitre, chercheraient si souvent à se regarder jouer d'en haut, choisiraient à ce point de devenir les propres spectateurs de leurs exploits individuels. Painted from memory engendre donc cette impression curieuse, parfois désagréable, de n'être habité par aucun de ses auteurs, comme une sorte d'appartement témoin du couple Costello-Bacharach appelé à demeurer une idylle virtuelle, trop belle pour être tout à fait envisageable. This house is empty now, prévient l'un des titres, ce que confirme l'inspection générale des lieux.

Dans le détail, quelques hologrammes savamment disposés ­ une trompette bibelot, un clavecin décoratif, un mur tissé de cordes, des choeurs de filles et des voix d'enfants ­ parviennent à créer l'illusion, mais comme avertit l'un des classiques de Bacharach : A House is not a home, autrement dit le lieu ne crée pas l'harmonie. Bizarrement, God give me strength qui fut à l'époque écrit à distance par téléphone et fax reste parmi l'album la chanson où brûle le plus ardemment une flamme commune. Pourtant, et c'est là où ça devient compliqué, Painted from memory n'a aucune raison objective de décevoir cruellement les fans de l'un et/ou l'autre des protagonistes : Costello n'a jamais si bien chanté, ses textes font toujours preuve d'une lucide acuité ­ notamment dans le registre des ruptures sentimentales, travaillées ici au scalpel et à la pince à épiler. Quant à Bacharach, s'il n'a plus tout à fait la même souplesse musculaire que dans les sixties, il demeure un arrangeur-orchestrateur au génie hypertrophié, un pianiste au toucher nuageux inimitable et, surtout, un compositeur dont l'écriture à tiroirs force toujours l'admiration.

En apparence donc, Painted from memory répond point par point aux exigences voulues par le protocole : la plupart des mélodies planent très haut, les orchestrations ont de quoi ravir ceux qui confondent la musique de Bacharach avec un agréable et exotique parfum d'intérieur, oubliant qu'elle fut aussi capable jadis d'abattre des cloisons, de troubler les perspectives, de faire voler en éclats le toit de la pop. Et c'est seulement lorsque le dialogue culmine ­ le poignant My thief ­ qu'on mesure la fragilité extrême d'une telle discussion, laquelle divague par ailleurs trop souvent en politesses et compliments. Painted from memory est seulement un beau disque, mais le chef-d'oeuvre qu'on attendait reste à écrire.

-

Les Inrockuptibles, November 30, 1997


Christophe Conte reviews Painted From Memory.


-



Back to top

External links