Sud Ouest, January 14, 2022

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"Ma relation avec la France est une histoire inachevée" : Elvis Costello se confie


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  Stéphane Jonathan

Le génial chanteur et compositeur anglais publie son 33e album studio : enregistré avec The Imposters, " The Boy Named If " renoue avec le son rock de ses débuts et livre 13 petites histoires délicieuses. Interview

Comment ce nouvel album est-il né ?

La tournée pour " Hey Clockface " a été brutalement interrompue par le Covid sans qu’on sache quand on pourrait remonter sur scène. J’ai composé de nouvelles chansons qui semblaient nécessiter l’énergie du groupe. Et l’impossibilité de nous réunir n’était pas une raison suffisante pour qu’on s’en prive. Après tout, on est rarement tous dans la même pièce quand on enregistre : le batteur dans une cabine, le chanteur dans une autre… On joue ensemble depuis quarante-cinq ans, on se connaît par cœur. Alors on peut très bien le faire à distance.

Au final, le disque ne donne pas l’impression d’avoir été enregistré dans nos maisons respectives : on le croirait capté en live, ce qui est vraiment excitant.

Saviez-vous dès le départ que ce serait un disque pour le groupe ?

Parfois, quand je compose, j’entends un violoncelle, un saxophone, des trompettes, une clarinette… Mais sur ces chansons, il était évident que c’était pour The Imposters.

Je ne me suis de toute façon jamais senti limité par ce groupe. Quelle chance de pouvoir compter sur des musiciens d’un niveau pareil. Steve Nieve et moi pouvons jouer une centaine de chansons différentes, aux humeurs et ambiances très variées. Et quand on décide de faire quelque chose de relativement simple et direct, c’est immédiatement super-puissant : on fonce sans chercher à explorer toutes les autres possibilités. Sinon, ça peut prendre une éternité et générer des tensions, tantôt bénéfiques mais souvent désastreuses. Nombre de groupes se sont abîmés à cause de cela.

La chanson qui donne son titre à l’album met en scène un enfant et son " ami imaginaire ". Vous en étiez-vous inventé un quand vous étiez gosse ?

Non, mais j’ai toujours trouvé ça fascinant. J’ai reçu une éducation catholique, et à l’école, on m’a dit que j’avais un ange gardien. C‘était lui, mon " ami imaginaire " : une personne âgée et invisible qui veille sur vous. Ce qui est un peu flippant, si on y pense ! Je ne me vois pas mettre des idées pareilles dans la tête de mes propres enfants.

Le concept d’ "ami imaginaire", s’il concerne un gosse de 7 ans, on sourit et on applaudit son imagination. Mais si une personne de 27 ans l’utilise pour se dédouaner de ses actes, en prétextant " ce n’était pas vraiment moi, mais une autre partie de moi-même ", voilà qui est nettement moins charmant, pas vrai ? Toutes les chansons de l’album mettent en scène des enfants ou des grandes personnes immatures et parlent de cela.

Le personnage d’Elvis Costello est-il parfois votre " ami imaginaire " ?

Non, plutôt une sorte d’" identité secrète ". Porter des lunettes et un nom aussi bizarre est un bon déguisement quand on manque de confiance en soi.

J’ai mis longtemps à savoir placer ma voix et l’utiliser pleinement. Au début, je chantais doucement et m’agaçais que les gens ne m‘écoutent pas vraiment dans les clubs folk où je jouais. Les artistes que j’admirais, comme John Prine, donnaient des concerts intimistes et étaient de formidables conteurs d’histoires. Mais j’ignorais le temps qu’il leur avait fallu pour savoir capter l’attention du public. Quand j’ai commencé à enregistrer en 1977, le genre musical qui émergeait alors était compatible avec ce que je voulais chanter. C’était une chance.

Dans une édition spéciale, un recueil de 13 nouvelles accompagne les chansons…

Depuis des années, je rêve d’écrire des histoires qui seraient soit le prologue ou la suite de mes chansons. Par le passé, j’ai même développé certaines paroles en récits littéraires que je n’ai jamais publiés. Ici, j’ai voulu répondre à la dématérialisation de la musique avec un petit livre contenant les paroles et les tableaux, parfois humoristiques ou macabres, que j’ai peints pour les illustrer. Et comme j’avais du temps, je me suis amusé à inventer ces petites histoires qui éclairent des paroles souvent elliptiques.

Tout est venu très vite et assez naturellement. Si je m’étais assis à mon bureau avec l’ambition de produire une œuvre littéraire, j’aurais sans doute pris la chose terriblement au sérieux. Mais je n’ai jamais eu la prétention d’écrire mon " grand roman " ! (rires). Envisager cela comme un accompagnement du disque m’a autorisé à plus de légèreté et de facétie.

Envisagez-vous un format de fiction plus long, un jour ?

Sincèrement pas. Mais j‘ai aimé écrire les 800 pages de " Musique infidèle & encre sympathique ". On m’a réclamé une autobiographie pour la première fois quand j’avais 28 ans, ce qui était ridicule. Mais quand je m’y suis mis, il y a une décennie, mon père vivait ses dernières années. C’était l’occasion d’une évocation romantique de cet homme avec qui j’ai finalement peu vécu ; mes parents s’étant séparés quand j’étais jeune. Cette vision fantasmée de la relation filiale, entre mon père et mon grand-père, puis entre mon père et moi, constitue le thème principal du livre.

J’aime le format chanson parce qu’il permet beaucoup : adopter le point de vue d’un autre et prendre toutes les libertés, comme ouvrir son cœur et chanter à la première personne. Et toutes les combinaisons sont possibles. Même adosser un texte sérieux à une mélodie pop très enjouée. Comme dans " Veronica ", qui évoque la maladie d’Alzheimer. Il fallait une musique joyeuse pour traduire, avec tendresse, la dimension loufoque de cette maladie chez ma grand-mère. Avant que tout ne devienne que souffrance, elle-même riait de l’absurdité de certains de ses propos.

À quoi sert l’art dans ce monde où tout est business ?

Il importe de sentir si ce que l’on produit a une valeur émotionnelle pour soi-même avant de le donner en partage. Certaines idées que l’on sent le besoin d’exprimer peuvent s’avérer inaudibles en restant à l’état de mots. On fait alors appel aux mélodies et aux harmonies, qui les véhiculent et leur permettent d’atteindre les gens.

Mais si on en fait un disque, c’est aussi pour le vendre. Je ne suis pas un altruiste : faire des chansons est ma vocation, mais c’est aussi ma profession. Gamin, j’entendais les gens demander à mon père ce qu’était son " vrai métier ", parce que chanter, pour eux, ne pouvait être qu’un loisir, pas un job.

Mais vous savez, pour un artiste de tournée, les deux heures passées sur scène sont les meilleures d’une longue journée. Je ne prétends pas faire le plus harassant des métiers et je sais qu’il offre plein de privilèges. Mais normalement, quand vous partez bosser le lundi, vous n’allez pas le mardi travailler 500 kilomètres plus loin ! Personne ne fait ça, sauf les représentants de commerce ou les conducteurs de train. Cet emploi du temps étrange, quand on est jeune, on le remplit en draguant les filles ou en se saoulant (rires). Mais une fois adulte et doté de plus de bon sens, on cherche plutôt à rester en forme pour assurer le show et tenir jusqu’à la fin de la tournée.

Plus sérieusement, je dirais que la musique est une chose très précieuse. Elle m’a apporté de la consolation dans des moments douloureux, de la joie aussi. Beaucoup de gens connaissent la force intérieure que confère l’expression d’un sentiment très personnel au moyen d’un instrument de musique, le chant ou tout autre. Ou le bonheur de créer de façon collective. Sentir naître une musique est une sensation extraordinaire.

Jouerez-vous en France en 2022 ?

Je l’espère vraiment. Ma relation avec la France est une histoire inachevée. L’an dernier, j’étais très heureux que ma maison de disques me demande un disque spécialement pour le public français. On a adapté des chansons de " Hey Clockface " en français. Étant incapable de chanter dans une langue étrangère, j’ai proposé à Iggy Pop d’y participer. Je savais qu’il pouvait chanter en français et que " No Flag " lui irait bien. Mais imaginez ma joie quand Muriel Teodori, la compagne de Steve Nieve, a proposé d’inviter Isabelle Adjani sur un titre. Entendre cette voix dire des vers que j’avais écrit, c’était un enchantement.

Ce serait super de donner un concert en France avec des amis francophones qui me prêteraient leurs voix… Bon sang, il est temps qu’on recommence à s’amuser, pas vrai ?

En 12 dates clés

  • 1954. Naissance à Londres de Declan Patrick MacManus.
  • 1977. Premier single sous le nom d’Elvis Costello (" Less Than Zero ").
  • 1978-79. Albums " This Year’s Model " (avec le tube " Pump It Up ") et " 'Armed Forces' '" (avec " Oliver’s Army ", N° 2 en Angleterre).
  • 1983. " Everyday I Write the Book ", sur l’album " Punch the Clock " auquel participe Chet Baker.
  • 1987. Avec Bruce Springsteen et Tom Waits, concert événement de Roy Orbison, créateur de " Pretty Woman ".
  • 1989. Écriture et enregistrement de l’album " Flowers in the Dirt " avec Paul McCartney.
  • 1995. Tournée mondiale avec Bob Dylan. Idem en 2007.
  • 1998. " Painted from Memory " avec Burt Bacharach.
  • 2003. Mariage avec Diana Krall, pianiste et chanteuse de jazz.
  • 2008. Aux côtés de Sting dans l’opéra " Welcome to the Voice " de Steve Nieve et Muriel Teodori.
  • 2017. Autobiographie " Musique infidèle & encre sympathique ".
  • 2022. Sortie de " The Boy Named If ", 37e album studio, le 14 janvier.


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Sud Ouest, January 14, 2022


Stéphane Jonathan interviews Elvis and about the recording and the release of The Boy Named If and reviews the album.

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The Boy Named If album cover.jpg
Photo credit : EMI

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Photo credit: Frederic J. Brown/AFP

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Photo credit: Mark Seliger

This Year's Model album cover.jpg

Rock

On a écouté " The Boy Named If ", le nouvel album d’Elvis Costello


Stéphane Jonathan

Le nouvel album d’Elvis Costello & The Imposters, publié ce 14 janvier, est un chapelet d’histoires à l’humour noir, ourlées d’électricité. énergique et malicieux.

Saluer la sortie d’un nouveau Costello en l’annonçant comme son meilleur album depuis des décennies est un piège dans lequel on se vautre volontiers. L’œuvre colossale du chanteur-compositeur embrassant tant de styles différents, chaque nouveauté rappelle forcément une pépite ancienne et chérie. Et ravit.

Cet hiver, c’est avec l’urgence électrique des débuts qu’il renoue. Du rock direct et éternel (" Farewell OK ", " Magnificent Hurt ", singles impeccables), des pop-songs alambiquées (" The Difference ", épatante) et lumineuses (" Penelope Halfpenny ", dans la veine du classique " Green Shirt "), des blues claudiquant comme du Tom Waits… Tout est là, à la fois familier et tout neuf, servi avec la fougue quasi-juvénile de The Imposters.

Auteur prolixe et malicieux, Costello chante ici des textes tortueux, riches de doubles sens poétiques et ludiques : des petites histoires de vengeance, d’inceste, de meurtre, d’amours bafouées, de vampires, de mensonges… Lâchés ici et là, les noms de Gustav Mahler, Francis Bacon ou des faux frères Karl et Groucho Marx nourrissent un imaginaire débridé.

Bonne nouvelle : Elvis n’est pas mort. Et Costello est en pleine forme.

" The Boy Named If ", en CD, vinyle et digital (EMI).

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