Télérama, October 20, 2017

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Elvis Costello : “A mes débuts, j’essayais de chanter comme Dusty Springfield”


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   François Gorin

Alors que sort en librairie “Musique infidèle et encre sympathique”, sa copieuse et passionnante autobiographie, le plus fameux binoclard de la pop anglaise refait en accéléré son parcours de fan insatiable. Où l’on découvre un Elvis qui connaissait par cœur des albums entiers de Joni Mitchell, courait les concerts de Clash et rêvait de duettiser avec Aretha Franklin

Il suffit d’écouter une seule chanson d’Elvis Costello pour deviner son goût des mots. En quarante ans d’une production constante, il a mis en musique toute une gamme de sentiments, d’histoires et d’émotions. La soixantaine passée, l’ex-trublion de l’après-punk a pris le temps de se raconter dans une autobiographie de 800 pages : Musique infidèle et encre sympathique, qui vient de paraître chez Fayard. Ses nombreux fans y retrouveront une connaissance encyclopédique du rock et au-delà, une enfance solitaire dans les faubourgs de Londres, l’importance d’un père musicien d’orchestre à danser, des hommages appuyés aux glorieux aînés avec qui "notre" Elvis a pu collaborer (Burt Bacharach, Paul McCartney, Allen Toussaint…), la chronique de ses années folles (1978-83), une passion débordante, quelques ellipses aussi. Comme ses chansons, la prose costellienne est riche en détails et traversée de fulgurances. Parmi ses nombreux talents, une capacité mémorielle qui valait bien cette rétrospective, zigzaguant de Joni Mitchell à Clash, de Gram Parsons à Aretha Franklin…

La première chanson que vous avez su jouer par cœur ?

J’étais fasciné par Man of the world, de Peter Green (premier guitariste de Fleetwood Mac). Un camarade d’école qui savait jouer de la guitare m’avait donné les accords. Je me suis calqué sur cette seule grille, avec les bonnes positions de mains… et je ne savais rien jouer d’autre ! Or ce morceau était d’une complexité rare. Ce n’était pas cela qui m’attirait mais l’émotion qu’il dégageait. Il m’a fallu du temps pour le jouer de façon fluide. Après ça, les autres chansons, folk en particulier, m’ont paru très simples à jouer. J’ai peu à peu élargi mon vocabulaire et appris à jouer toutes les chansons des Beatles que je connaissais.

Par mon père, qui faisait partie d’un orchestre de bal, j’avais accès à tous les succès du moment, j’avais plus de disques à la maison que mes amis. J’ai grandi dans la banlieue de Londres et nous habitions un peu à l’écart, sans voisinage immédiat et loin de l’école. Comme j’étais fils unique, j’ai passé beaucoup de temps à écouter de la musique seul. Je ne partageais pas tellement mes goûts musicaux.

A un moment, mon père s’est branché sur le rock psychédélique, des trucs hippies qui me plaisaient moins, il a quitté l’orchestre et s’est laissé pousser les cheveux. Moi je les ai coupés, c’était ma façon d’être rebelle ! J’écoutais du rock steady et des trucs de Tamla Motown.

Une voix qui vous a impressionné ?

Je dirais Dusty Springfield. J’adorais les Beatles mais ne les voyais pas comme des chanteurs, c’étaient plutôt des voix qui émanaient des chansons. Plus tard, quand j’ai moi-même chanté, j’ai mieux apprécié, notamment leur technique d’harmonies, dont je me suis inspiré.

Dusty, elle, chantait des compositeurs que j’admirais, comme Burt Bacharach et Carole King. En 1965, elle a présenté à la télé une émission spéciale de Ready steady go !, avec tout un tas de groupes de la Motown, les Temptations, les Supremes, les Miracles…

“Quand on aime la musique, le temps n’existe pas.”

Georgie Fame aussi a eu son importance, qu’on aurait tort de sous-estimer. A une époque où tous les jeunes chanteurs britanniques essayaient de sonner comme Ray Charles, tous les Steve Winwood, Gary Brooker de Procol Harum, Joe Cocker, Van Morrison…, Georgie Fame, lui, sonnait comme Mose Allison. J’avais 10 ou 11 ans, et je le voyais à la télé jouer ce genre de blues blanc un peu détaché, je trouvais ça très cool. Ses versions étaient fidèles mais tout aussi intéressantes que les originaux. En ramenant les disques à la maison, j’ai réalisé que les jazzmen anglais qui accompagnaient Georgie Fame étaient tous des types qui avaient joué avec mon père. Cela m’a fait comprendre que la musique n’était pas une affaire de génération. Quand on aime la musique, le temps n’existe pas.

Je suis donc reconnaissant à Georgie Fame à et Dusty Springfield, qui chantait des choses d’une grande qualité. I close my eyes and count to ten est la première que j’ai aimée. Plus tard, Just one smile, une compo de Randy Newman. A mes débuts, j’essayais de sonner comme Dusty. Je me suis rendu compte que j’avais mémorisé des passages entiers de ses chansons — et de dizaines d’autres. Ça m’a beaucoup servi par la suite pour me rappeler les miennes !

Un album que vous écoutiez constamment à l’adolescence ?

Il y en a beaucoup ! Des Beatles, je dirais plutôt Revolver que Sgt. Pepper. Sinon, je choisirais le premier album de The Band, Music from Big Pink, et Blue, de Joni Mitchell. Trois disques fondateurs. Quand j’étais ado, je n’avais pas l’impression d’être un auditeur obsessionnel, mais dans la mesure où je peux me souvenir par cœur de la plupart de ces chansons, je me dis que j’ai dû les écouter un grand nombre de fois !

J’ai eu l’occasion d’interviewer Joni Mitchell il y a une dizaine d’années, dans l’émission que je présentais à la télé américaine, Spectacle. En lui parlant, je me suis rendu compte que je pouvais citer les paroles de ses chansons aussi bien que si c’étaient les miennes. Peut-être mieux, même. Et ce n’est pas vraiment ce qu’on a envie de faire en présence de l’auteur !

La seule chanson de Joni Mitchell que j’ai enregistrée est Edith and the kingpin, de l’album The Hissing of summer lawns. Dans un autre numéro de Spectacle, je l’ai jouée avec Herbie Hancock, qui venait de sortir un album de chansons de Joni. Ça tombait bien, j’aurais eu du mal à jouer une des siennes !

La chanson qui vous a fait dire : c’est ça que je veux faire ?

Un morceau pas forcément très connu, Don’t lose your grip on love, de Nick Lowe, avec le groupe Brinsley Schwarz en 1972. A ce moment-là, j’avais 18 ans et déjà plein de chansons dans ma tête, mais dans l’écriture de Nick j’ai trouvé quelque chose d’accessible, et c’est le premier musicien de rock que j’ai rencontré directement. Enfant, j’avais croisé des groupes avec mon père, les Hollies par exemple, mais j’étais alors présenté comme le fils à son papa, ce n’était pas la même chose.

En 1972, j’avais donc un petit groupe à Liverpool, où ma mère et moi avions emménagé. Brinsley Schwarz est venu jouer à la Cavern. Dès lors, j’ai suivi tous leurs albums, Silver Pistol, Nervous on the road… J’essayais de copier leurs chansons et, de fait, j’y parvenais… Une chanson comme Alison est un mélange de ce que je prenais de Nick Lowe et de ce que j’entendais à la radio.

Quelques années après, j’étais alors revenu vivre à Londres, j’ai décroché mon premier contrat pour un disque et Nick Lowe est devenu mon producteur. Il a été important pour moi. Quand on voit des musiciens jouer à la télé, on n’imagine pas du tout comment ils arrivent à sonner de la sorte. En écoutant I heard it through the grapevine, je ne pouvais pas envisager de sonner comme Marvin Gaye ! Débarquant pour la première fois dans un studio d’enregistrement, je ne savais toujours pas ce que je devais faire. Nick Lowe m’a appris comment faire un disque. Il m’a encouragé à faire toutes sortes de trucs assez dingues. Nous sommes restés bons amis. Il est venu l’autre soir avec son jeune fils assister à un concert de Diana [Krall, sa femme, chanteuse et pianiste de jazz – ndlr], c’était chouette de le revoir. Je lui dois beaucoup. Je ne serais pas assis là à vous parler si nous n’avions pas fait tous ces albums ensemble.

Votre groupe de Liverpool préféré (à l’exception des Beatles) ?

The Swinging Blue Jeans. Ils n’écrivaient pas beaucoup de chansons, c’était bien sûr la différence avec les Beatles, qui surclassaient tous les autres en la matière. Les Searchers en ont écrit un peu, les Merseybeats aussi. Mais j’ai toujours pensé que Ray Ennis, des SBJ, était l’autre grand chanteur de Liverpool. Meilleur que Gerry Marsden [de Gerry and the Pacemakers – ndlr]. Il chantait You’re no good et c’était la meilleure version de ce titre à part l’original. Et puis Hippie hippie shake, leur morceau de bravoure scénique, très rock, un peu comme Dizzy miss Lizzy pour les Beatles. Ils le faisaient super bien. Je n’ai pas eu l’occasion de voir les Swinging Blue Jeans en concert, j’étais trop jeune. On vivait à Londres, j’allais à Liverpool pour les vacances mais très rarement aux concerts pop. A 10 ans, début 1964, mon père m’a emmené voir un package tour, avec des groupes tous managés par Brian Epstein : les Fourmost, Cilla Black, Billy J. Kramer with the Dakotas… et Johnny Kidd and the Pirates, une erreur de casting flagrante, ils étaient trop rock’n’roll ! De toute façon, je n’ai rien entendu du concert tellement les gens, les filles surtout, criaient. C’était incroyable, et pour un gosse comme moi, très choquant. En voyant les groupes à la télé, on n’imaginait pas ça ! Et vu de la scène, ça devait être absolument effrayant, cette hystérie.

La chanson qui vous a fait prendre le punk au sérieux?

Dans mon livre, je parle de l’importance décisive du premier album de Clash. La vision et les mots de Joe Strummer, plus que leur façon de jouer. Le son de la guitare de Mick Jones. La section rythmique n’était pas si terrible. Sur ce premier album, on n’a pas vraiment l’impression d’entendre des musiciens. Mais ils se sont améliorés très vite. Je crois que pour nous aussi ça s’est passé comme ça. Le son de mon premier album est un peu plat, étriqué. C’est joué de manière très compétente, mais si vous enlevez la voix, ça pourrait être n’importe qui. Avec la formation des Attractions [Bruce Thomas, Steve Nieve et Pete Thomas – ndlr] sur This Year’s Model, ça a vraiment décollé, on a trouvé notre son.

“Les Damned étaient des potes, mais je retiendrais plutôt les Buzzcocks, ils avaient de meilleures chansons.”

Pour The Clash, il a fallu attendre London Calling (1979) pour qu’ils sonnent sur disque comme on pouvait l’imaginer. L’idée directrice du groupe était très forte, surtout je crois grâce à Strummer. Je les ai vus en live un paquet de fois vers 1978-80. Ensuite, c’est devenu autre chose, quand ils jouaient à New York à l’époque de Rock the Casbah, tout le monde venait les voir, des gens du cinéma, Allen Ginsberg était backstage, ça devenait un phénomène culturel.

Les Damned étaient des potes, on avait le même label, ils ont fait quelques bons disques mais rien de très passionnant. C’étaient surtout des personnages intéressants… De cette première vague punk, je retiendrais plutôt les Buzzcocks, ils avaient de meilleures chansons.

Une chanson sur laquelle vous ne pouvez vous empêcher de danser (même si vous ne l’aimez pas particulièrement) ?

Je ne danse pas ! Jamais. Il y a des titres absolument irrésistibles dans le genre : Stand!, de Sly and the Family Stone… Rubberband Man, par les Detroit Spinners… I want you back, par les Jackson 5… Des trucs rythmiques imparables, des boules de feu. Bien sûr, les tubes de James Brown, de Stevie Wonder… Mais je ne les vois pas comme spécifiquement dance. C’est juste superbement foutu. Puis vous savez, quand j’étais jeune, les filles ne m’invitaient pas tellement à danser. Dans nos soirées d’ados, on passait des 45-tours Tamla Motown et du rocksteady, un phénomène très britannique vers la fin des années 1960, qui a précédé le reggae et le revival ska. C’étaient juste des chansons d’amour, sans le côté rasta et politisé qui allait suivre.

Que les gens dansent sur ma musique, ça ne me dérange pas, mais ce n’est jamais quelque chose que j’ai en tête au moment d’écrire. Ça m’est arrivé bien sûr d’observer des mouvements dans le public… Quand on écrit avec sentiment et conviction, on n’a pas non plus envie que les gens restent assis là avec un air sérieux. On veut les impliquer physiquement dans ce qu’on chante.

Il y a eu cette période où pendant deux ans et demi [1978-81 – ndlr], presque tout ce qu’on sortait devenait un genre de hit. Ça nous faisait cohabiter dans les charts et à la télé avec Police, Blondie ou les Boomtown Rats, mais aussi avec Donna Summer et les Bee Gees, qui régnaient alors sur les pistes de danse. Plus des originaux qui surgissaient de temps à autre avec juste un tube. A y repenser, c’était une période assez riche. On se retrouvait sur le plateau d’une émission hollandaise au même programme que Chic.

A la radio américaine, nous avons vécu les derniers feux de la grande période FM, où beaucoup de musiques différentes coexistaient. Les DJ étaient les rois. C’était avant que ne débarquent des pseudo-consultants qui ont dit aux stations de radio ce qu’elles devaient passer. Tout a été normalisé.

Un chanteur ou songwriter country que vous aimeriez voir mieux reconnu ?

Bien que plutôt reconnu, Gram Parsons reste à mon avis sous-estimé. Parce que ses chansons n’ont jamais atteint le grand public. En dehors de la qualité même de son écriture et de son interprétation, il a probablement donné confiance à des tas de gens, moi y compris, pour écrire dans cette forme musicale. Il était nourri par les grands de la country comme Dylan l’a été par les folksingers traditionnels, et tous deux ont donné une impulsion à la génération suivante. Avec Gram Parsons, qui de plus était un copain des Stones, un peu hippie, faire une ballade country n’était plus du tout ringard. OK, il n’a pas eu de vrai succès commercial, mais il a influé sur les trente années suivantes, dans le genre country et au-delà. Ce qu’on a appelé par la suite americana n’aurait pas existé sans Gram Parsons. Prenez un type comme Ryan Adams, dont on dit le plus grand bien : les chansons que je connais de lui, et que j’apprécie, sont évidemment redevables à Gram Parsons.

La chanson dont vous êtes le plus fier ?

Pfff… C’est impossible à dire. J’en ai écrit dans les quatre cents. Si j’en cite une, ça va exclure tout un pan de ma musique. Et puis "fier" ne serait pas le mot juste. Je peux avoir divers sentiments envers mes chansons. Je pourrais m’en tirer par une pirouette à la Duke Ellington en disant que la meilleure est ma prochaine… Disons que je suis assez fier d’une nouvelle chanson qui figure dans un film qui sort ces jours-ci [Don’t die in Liverpool, de Paul McGuigan, avec Annette Bening et Jamie Bell – ndlr]. C’est la dernière que j’ai enregistrée, donc j’en suis fier, elle colle avec le film mais surtout je pense qu’elle se tient bien toute seule. C’est une ballade intitulée You shouldn’t look at me that way, dont j’ai écrit moi-même l’orchestration.

“C’est étrange, une chanson qui dure. ‘Alison’, par exemple, a toute une histoire.”

Il y a bien sûr des chansons pour lesquelles j’éprouve des sentiments forts et qui ont résisté au temps sans que je l’aie anticipé. Pour moi, un standard, c’était un morceau d’il y a quarante ans, écrit par les Gershwin ou Cole Porter, et interprété par tout un tas de gens. Or aujourd’hui certains de mes morceaux ont cet âge-là et sont presque considérés comme des standards. C’est étrange, une chanson qui dure. Alison, par exemple, a toute une histoire, je suis incapable de la chanter comme un robot, il faut qu’à chaque fois je retrouve le sentiment qui l’a fait naître.

Je pense aussi à une chanson moins connue et qui m’est très chère, I want to vanish [chanson écrite à l’origine pour la chanteuse folk June Tabor ; elle apparaît sur la compilation All this useless beauty en 1996 – ndlr]. Elle ne ressemble à rien de ce qu’on appelle rock. Et il y en a quelques-unes de ce genre-là dans mon répertoire !

L’artiste avec qui vous auriez voulu collaborer mais ça n’a pas pu se faire ?

J’ai été tout près de convaincre Aretha Franklin d’être l’invitée de mon émission Spectacle. Je ne sais pas ce que j’aurais pu faire en duo avec elle, mais j’aurais adoré qu’elle chante en s’accompagnant au piano. C’est comme ça que je la préfère. J’aime beaucoup sa façon de jouer du piano et je trouve qu’elle chante un peu différemment dans ces occasions-là. Donc ça reste un regret.

A lire
Elvis Costello, Musique infidèle et encre sympathique (Fayard)


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Télérama, October 20, 2017


François Gorin interviews Elvis Costello following the publication of Musique infidèle et encre sympathique the French language translation of Unfaithful Music & Disappearing Ink.

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Photo by Geordie Wood.
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