Declan MacManus joue quelque temps dans un groupe de pub-rock londonien, Flip City. Mais c'est comme chanteur-auteur-compositeur s'accompagnant à la guitare qu'il se présente dans les maisons de disques, au milieu des années 70. On est loin du mouvement folk. De plus, les compositions de Declan ne sont pas dans cet esprit. Il est néanmoins engagé par Stiff. Jake Riviera compense le caractère, à priori, peu attrayant de sa recrue, par une provocation marketing décomplexée, comme Stiff en a le secret. Il le rebaptise Elvis Costello. Un prénom qui ne passe pas inaperçu. En 1977, le premier album, « My Aim Is True », produit par Nick Lowe, présente des compositions mélodieuses avec des textes portant sur la société un regard amer. Les arrangements sont variés mais l'ensemble reste sombre et austère, avec la voix âpre du chanteur et un rythme pesant. On remarque la qualité de composition comme la ballade « Alison » ou le rock'n'roll nerveux « Mystery Dance ». En de nombreux points, la voix particulière, la critique sociale, l'agressivité envers la presse, Costello rappelle Dylan. C'est sans doute pour cela qu'il est immédiatement adopté par les étudiants américains, surtout dans les universités du nord qui ont été les premiers soutiens du mouvement folk. Jake Riviera n'a pas que des idées de marketing, il recrute pour Elvis des accompagnateurs capables d'apporter un soutien original à ses mélodies. Il engage Steve Nieve (claviers, de formation classique) et deux rythmiciens de la scène pub-rock, Bruce Thomas (basse ex-Quiver) et Pete Thomas (batterie, ex-Chilli Willi & The Red Hot Peppers). En mars 1978, sous le nom des Attractions, ils se montrent très inspirés et font de « This Year's Model », le deuxième LP d'Elvis, un chef-d'oeuvre. On retrouve la voix dédaigneuse, le regard pessimiste et l'habilité mélodique de l'auteur enrichi par un orgue omniprésent qui crée un climat fragile et nerveux et une rythmique non conventionnelle qui balance des motifs tout à fait originaux et efficaces. Les Attractions ont un son bien à eux, aussi bien dans les titres trépidants comme « Pump It Up », le reggae « Watching The Detectives », la ballade « Little Triggers », ou « No Action », « This Year's Girl » et « Chelsea » qui expriment au mieux les récriminations de Costello, face au monde et comptent parmi les plus beaux apports de cet Elvis-là à l'art rock. Avec cet album, il crée le pub-rock d'auteur. Le succès dépasse toutes les espérances et se confirme avec le troisième album, « Armed Forces », au son plus arrondi. Mais Elvis Costello n'est, pas plus que Bob Dylan, un personnage simple, refusant d'être là où on l'attend. Dès 1980, il choisit l'exploration plutôt que la sécurité du succès. En 1981, il enregistre un album de country, « Almost Blue », puis se fait accompagner par un orchestre symphonique, un quatuor de musique de chambre ou Chet Baker. Il passe du rockabilly avec les musiciens d'Elvis Presley au folklore irlandais, compose de nombreuses et touchantes ballades telle « Indoor Fireworks », revient de temps à autre aux Attractions. Et tout cela, de la même brillante manière qui en fait l'un des grands créateurs de la musique populaire, toutes catégories confondues.
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