Nous avions laissé notre héros dans une posture peu commune pour une rock star. Sur la scène des Folies-Bergères, debout, sans guitare, entouré d'un quatuor à cordes, Elvis Costello saluait. Pour quelqu'un qui osa emprunter le prénom le plus sacré du rock, on ne pouvait aller plus loin dans la remise en question du canon, de l'histoire, de l'imagerie de cette musique.
Un an après avoir enregistré The Juliet Letters avec le quatuor Brodsky, Elvis revient et succombe, en apparence au moins, à la tentation du passé. Brutal Youth est un disque de rock direct sur lequel Costello est accompagné du groupe qui l'assista à l'heure de sa plus grande gloire, les Attractions (Steve Nieve, claviers ; Bruce Thomas, basse ; Pete Thomas, batterie), et dont il se sépara, il y a sept ans. Dans un hôtel parisien, Elvis Costello, le cheveu court et l'oeil sardonique, sacrifie au rituel de la promotion avec un enthousiasme mercantile qui l'amène à ponctuer la conversation de " d'ailleurs le disque est très réussi, vous ne trouvez pas ? ".
Avant de passer à l'illustration de Brutal Youth, il faut d'abord procéder à la défense des Attractions réunies. Costello explique ces retrouvailles en revenant à la genèse du groupe, en 1978 : " Pete Thomas a été ramené de Californie en 1978, par mon manager Jake Riviera qui avait monté une arnaque. Pete devait jouer pour un groupe très connu et la maison de disques de ce groupe a payé son ticket d'avion pour Londres. Quand il est arrivé, nous l'avons volé. Les autres ont répondu à une petite annonce que nous avions fait paraître dans la presse. Ils ont auditionné pour les rôles de claviers et de bassiste. Après l'audition, il était évident que ces types étaient les trois qui jouaient le mieux avec moi sur ces chansons, celles de My Aim Is True et celles du second album que j'avais déjà écrites. Le fait qu'ils aient une personnalité musicale et qu'ils sonnent comme un groupe a également joué. Mais ce sont les chansons qui ont choisi les musiciens. " Quand j'ai commencé Brutal Youth, j'avais l'intention de tout jouer moi-mëme. Mais il a fallu me rendre à cette triste vérité : je suis incapable de jouer de la batterie. Alors j'ai fait appel à Pete Thomas, qui de toute façon a joué sur tous mes disques depuis My Aim Is True. Nous avons enregistré quelques titres, sur lesquels j'ai tout joué. J'ai enregistré la voix et la guitare en direct. Ensuite j'ai rajouté la basse et la guitare solo, sur Kinder Murder par exemple. C'est d'ailleurs l'instrumentation : deux guitares, basse, batterie. Et le plus étrange c'est que, en une quinzaine d'albums, c'est la première fois que j'enregistre un titre avec deux guitares, une basse, une batterie. La formation fondatrice de la beat music, au temps où j'ai commencé à en écouter. " Mais une fois ces titres enregistrés, il m'en restait d'autres comme London's Brilliant Parade qui avaient besoin d'un vrai pianiste, et d'un bassiste qui peut jouer en même temps que le batteur. J'ai d'abord appelé Nick Lowe qui joue sur sept titres, puis Bruce Thomas qui joue sur cinq autres. Le reste, c'est moi, la basse est plus forte sur les titres où j'en joue. Car quand on joue de la basse sur son propre disque, on a le droit de la monter dans le mix. Tous ces choix ont été faits en fonction des besoins des chansons. "
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