Soirée à deux vitesses mardi au festival de Montreux. En ouverture, Larry Carlton, guitariste virtuose qui met beaucoup de jazz dans son rock pour démontrer qu'il est l'un des plus habiles. Et pour conclure, Elvis Costello en solo cette année, histoire de prouver que ses chansons, même servies avec un accompagnement minimum, sont les plus fortes. Deux vitesses, donc deux ambiances.
L'accord est impossible. Pour le premier musicien, une salle remplie aux trois quarts, et sans doute par une bonne moitié de guitaristes. Autant d'admirateurs qui viennent prendre une leçon auprès d'un incontestable maître de la six-cordes. A tous les genres (blues, jazz, pop, rhythm'n'blues), le Californien impose sa marque de fabrique, Un lifting, synthétique et archi-programmé. En plus, ses parfaits déliés, solos aériens et autres numéros de haute voltige: Larry Carlton avait quelque chose à rè-prouver... Victime l'année dernière d'un tireur fou qui le laissa pour mort avec une balle dans la gorge: la voix déf hivernent brisée, Carlton a dû réapprendre à jouer. C'est chose faite, à la perfection. Ce fut la seule surprise d'un set sans plus d'animation et d'originalité qu'autrefois.
La virtuosité du premier contrastait d'autant plus avec la prestation du second guitariste, Nick Lowe en solo, plus connu comme... bassiste, vétéran de la scène pub-rock britannique. Un grand producteur aussi (Damned, Costello, Dr Feelgood), un grand rocker (pas loin de deux mètres!), mais une petite voix. Passé l'irrésistible mini-hit "Cruel To Be Kind," l'exercice ne fut guère flatteur, pour celui qui a autrement de "pêche" au sein du mythique Rockpile. Même remarque pour les suiveurs, Chris Difford et Glenn Tilbrook, admirables compositeurs au sein de Squeeze, qui ne parvinrent, en formation coude à coude et acoustique, qu'à évoquer de très loin le fantôme des Everly Brothers.
Le meilleur pour finir: Elvis Costello, tout aussi seul sur scène, mais, contrairement à ses habitudes, prêt à dialoguer avec la salle qui n'en attendait pas tant (admirable version de "God's Comic" émaillée de réflexions drôles et amères). Evident dès le premier titre ("Accidents Will Happen"), notre homme est très en voix, chante très juste (ce n'est pas tout le temps le cas), et il y prend du plaisir. Défilent les ballades: "Almost Blue," tout en douceurs poignantes, "Veronica," "Alison," et, juste avant les bis, "I Want You," version heureuse, qui prend aux tripes. Entre-temps, il aura cité les Beatles, en pot-pourri, Van Morrison ("Jackie Wilson Said") et bien sûr trop brièvement: son imposant et indispensable répertoire. Le plus «habile» des deux n'était pas celui qu'on croyait...
|